Paris-Nice - De Thomas à Rolland, le bilan de la 74e édition
Par Mathieu RODUIT le 13/03/2016 à 19:59
Vidéo - Geraint Thomas prend le pouvoir à la Madonne d'Utelle
Après l'arrivée finale dimanche de Paris-Nice, première épreuve World Tour sur le continent européen, de nombreux enseignements peuvent être tirés. Des favoris au Tour de France étaient présents sur la Course au Soleil et ont connu des fortunes diverses. Si Geraint Thomas (Team Sky), Alberto Contador (Tinkoff) ou Michael Matthews (Orica-GreenEDGE) ont fait parler la poudre, Pierre Rolland (Cannondale), Tom Dumoulin (Giant-Alpecin) ou encore Simon Spilak (Katusha) n'ont pas répondu aux attentes.
Ils ont brillé
Geraint Thomas : vainqueur du classement général
Déjà lauréat du Tour de l'Algarve, Geraint Thomas s'adjuge le classement général de Paris-Nice. Le Britannique démontre, s'il le fallait encore, qu'il est dans un excellent état de forme en ce début d'année. Second du Tour de Suisse 2015, Thomas s'offre enfin une victoire finale d'une course par étapes World Tour. Souvent resté dans l'ombre de Chris Froome, il a pu pleinement exploiter son potentiel sur la Course au Soleil. L'ancien pistard a bénéficié d'une équipe entièrement à ses côtés. Bien sûr, Geraint Thomas doit beaucoup sa victoire à ses coéquipiers de l'équipe Sky, qui a parfaitement géré - une fois de plus - la course. Cependant, Thomas a montré des qualités intéressantes tout au long de la course et elles lui ont bien aidé dans sa conquête du maillot jaune. Fin tacticien, très concentré sur son affaire, impassible, Geraint Thomas a tout d'un grand vainqueur. Même dans les moments de doute, le Gallois ne s'est pas montré perturbé. Lâché dans le Col d'Èze par l'offensif Contador, il s'est fait l'auteur d'une descente spectaculaire pour conserver sa place de leader jusqu'à l'arrivée finale. Au nez et à la barbe d'El Pistolero. Même s'il n'a pas levé les bras de la semaine, le Britannique, régulier, signe une victoire méritée à Nice. Si la Team Sky lui laisse d'autres opportunités, nul doute que Geraint Thomas devrait encore être à l'avant sur les prochaines grandes courses par étapes.
Alberto Contador : 2e du général
Le leader de la Tinkoff a tout tenté. Sans succès. Déjà battu par Thomas au Tour de l'Algarve, Alberto Contador doit à nouveau se contenter du podium pour sa seconde course de l'année. Alors qu'il a annoncé que 2016 était sa dernière saison, l'Espagnol a saisi chaque opportunité sur ce 74e Paris-Nice. Dans la Madonne d'Utelle, il n'a cessé d'attaquer ses adversaires. Son jeu n'a pas payé. Il doit laisser la victoire au Russe Zakarin. Le lendemain, Alberto Contador remet cela. Dès le pied de la côte de Peille, avant-dernière ascension au programme, El Pistolero lance les festivités. Personne ne le suit. La Team Sky reprend l'Espagnol, non sans mal. Au Col d'Èze, Contador relance l'offensive. Là, Thomas se retrouve pour la première fois en difficulté. La victoire finale semble lui tendre les bras. C'était sans compter sur la descente incroyable du leader de la Sky. Contador aura tenté. Il ne peut, au soir de la dernière étape, n'avoir légitimement aucun regret. Il a "fait la course", comme on dit dans le jargon du cyclisme. De plus, il s'est certainement rassuré en vue de son principal objectif : le Tour de France. Au général, il laisse derrière lui des hommes comme Porte, Bardet, Dumoulin ou encore Rui Costa. Parmi les favoris du Tour - Thomas devra sans doute courir pour Froome -, l'Espagnol figure en tête du classement. Et si l'étape du Mont Brouilly n'avait pas été annulée, le classement en aurait-il été autrement ? Entrer dans ce débat est complexe et la montée de Brouilly ne comptait "que" trois kilomètres d'ascension. Les leaders se seraient sans doute neutralisés, surtout à quatre jours encore de l'arrivée finale.
Michael Matthews : vainqueurs de deux étapes et porteur du maillot jaune
L'Australien sortait de nulle part. Il en est sorti avec la manière. Sans aucun repère cette saison, puisqu'il n'avait pas encore couru, Michael Matthews a surpris son monde lors du prologue inaugural à Conflans-Sainte-Honorine. Jamais vainqueur lors de l'effort solitaire (sauf au Tour de Slovénie 2014, mais l'adversité n'était pas la même qu'en World Tour), Michael Matthews s'offre son premier bouquet de la saison. Il se paie même le luxe de devancer des spécialistes du contre-la-montre (Dumoulin, Thomas, Coppel, Porte...). Avec le maillot jaune sur les épaules, la maîtrise de la course du jeune coureur d'Orica-GreenEDGE épate. Ses coéquipiers ne s'affolent jamais et il finit placé à chaque étape. Les jours passent et l'Australien conserve sa tunique. À Commentry, il est bien placé pour remporter l'étape. Le coude-à-coude avec Nacer Bouhanni, visiblement très en forme lui aussi, est engagé. Un peu trop même. Pourtant battu sur la ligne, Matthews signe un second triomphe après le déclassement de Bouhanni, dont la trajectoire a été jugée incorrecte sur le sprint. De plus, l'Aussie se paie le luxe de devancer la crème des sprinteurs. Le lendemain, l'annulation de l'étape du Mont Brouilly, premier danger pour le rouleur australien, a sans doute dû lui faire plaisir. Toujours en jaune, il ne se contente pas de gérer la course. Il dispute les sprints intermédiaires, décroche des bonifications et vient se mêler à la victoire d'étape. À Romans-sur-Isère, il est battu par Bouhanni, cette fois à la régulière. Malgré sa perte inéluctable du maillot à la Madonne d'Utelle, le coureur d'Orica-GreenEDGE a prouvé qu'il avait toujours une belle pointe de vitesse en 2016. Michael Matthews sera assurément à suivre de près cette saison. Sur les classiques comme sur les étapes de grands Tours, il a montré qu'il fallait compter sur lui.
Ils ont déçu
Pierre Rolland : 18e du général
Sous les couleurs de Cannondale, Pierre Rolland aborde la saison 2016 avec des ambitions, sur le Tour de France notamment. À l'arrivée finale à Nice, le Loirétain ne devait pas être entièrement rassuré en vue de ses objectifs. Seulement 18e du général, Pierre Rolland a quasiment été invisible sur la Course au Soleil. Jamais présent dans le groupe des leaders lors des ascensions décisives, Rolland n'a clairement pas assuré dans son statut de leader au sein de sa nouvelle formation. Déjà distancé sur le Tour de la Communauté de Valence (44e au général), sa première course, Rolland n'a pas renversé la balance sur Paris-Nice. Certes, la concurrence au départ de Conflans-Sainte-Honorine était plus élevée. Il reste néanmoins que le Français a été incapable de suivre les meilleurs grimpeurs sur ce tour. À la Madonne d'Utelle, il termine à 2'15" du vainqueur, dans la roue de son coéquipier Lawson Craddock. Sur l'étape finale de Nice, il concède 1'26" sur Wellens. C'est mieux, mais c'est encore insuffisant pour prétendre à un top 10 au général. Rolland perd ainsi plus de quatre minutes sur Geraint Thomas, en seulement une semaine de course. Même si la saison est encore longue, Pierre Rolland doit élever son niveau s'il veut se mêler à la lutte pour le général sur les prochaines courses par étapes. Le Français participera à quatre épreuves avant juillet (Critérium International, Tour du Pays-Basque, Tour de Romandie, Critérium du Dauphiné ). Il va falloir faire mieux s'il entend briller sur le Tour de France.
Tom Dumoulin : 12e du général
Quatrième à Oman, le Néerlandais faisait figure de favori sur les routes françaises. Toujours en embuscade, il lui a manqué cette étincelle qui fait la différence. Sur le prologue déjà, il ne s'en est fallu que d'une seconde pour que Tom Dumoulin prît le maillot jaune. Il enchaîne ensuite des places d'honneur sur chaque étape, conservant donc son podium provisoire au général. Avant les premières réelles difficultés de ce Paris-Nice, Tom Dumoulin semble être le mieux placé pour une victoire finale. Pourtant, dans la Madonne d'Utelle, le grand Néerlandais grimace pour s'accrocher au groupe principal. Il ne peut pas suivre quand Contador, Porte et Thomas placent des attaques. Pire, le papillon de Maastricht s'accroche à la roue de ses compagnons d'infortune pour ne pas perdre de précieuses secondes. Il termine l'étape dans le même temps que Rui Costa, 7e, mais cela ne laisse rien présager de positif avant l'étape décisive de Nice. Au départ de la capitale azuréenne, Dumoulin occupe encore la 5e place du général à 32 secondes de Thomas. Sur les 134 derniers kilomètres de cette 74e édition, Tom Dumoulin ne renverse pas la tendance. Invisible, il s'accroche à la roue des meilleurs comme la veille. Il doit laisser filer les hommes qui composeront l'essentiel du top 10 dans le Col d'Èze. Sur la ligne, le coureur de Giant-Alpecin accuse un retard d'un peu plus d'une minute. C'est cependant insuffisant pour le 2e de la Vuelta 2015, qui doit se contenter de la 12e place au classement final. Même s'il faut relativiser la performance de Dumoulin, qui perd de nombreuses places sur la dernière étape, ce qu'a montré le jeune Néerlandais sur l'ensemble de la Course du Soleil est loin d'être spectaculaire. Tom Dumoulin doit encore beaucoup travailler s'il souhaite retrouver son niveau de l'automne dernier.
Simon Spilak : 31e du général
Dans le top 10 ces quatre dernières années, le Slovène faisait légimement figure de favori sur la 74e édition de Paris-Nice. Simon Spilak n'a pas tenu son rang. Hors du coup sur le prologue, le coureur de la Katusha était déjà bien mal engagé. Sur la première étape, il perd déjà tout espoir de victoire en se faisant distancer par le peloton (111e à 3'37"). Sur la 4e étape, il n'améliore guère son cas en perdant cette fois près de sept minutes. Sa semaine est déjà ratée. Puis, dès les premiers pourcentages, Simon Spilak n'a aussi pas été au niveau où l'on attendait. Sur les pentes de la Madonne d'Utelle, il a tenu quelques kilomètres avec le groupe des leaders avant de céder. Sur la ligne, le bilan est lourd : Simon Spilak perd près de deux minutes sur son coéquipier Ilnur Zakarin. Ses concurrents sont largement au-dessus du vainqueur du Tour de Suisse. Même dans sa propre formation, le Slovène a trouvé plus fort que lui. La passation de pouvoir avait déjà été faite chez Katusha : Ilnur Zakarin est le leader. Le lendemain, absent des radars pendant toute l'étape, Simon Spilak termine avec les battus du jour à Nice. Comme Rolland, Welderman ou Majka, il concède 1'26" à l'arrivée. Au final, le coureur de Katusha prend le 31e rang, bien loin des attentes. Les années passées, Simon Spilak avait l'habitude de gagner très tôt dans la saison. En 2016, il faudra une sérieuse remise en question pour le leader de Katusha s'il veut briller sur les prochaines courses par étapes.
Paris - Nice - Classement général
1 | Geraint THOMAS | INEOS Grenadiers | 27h26'40'' | |
2 | Alberto CONTADOR | Tinkoff | + 4'' | |
3 | Richie PORTE | BMC Racing Team | + 12'' | |
4 | Ilnur ZAKARIN | Katusha Team | + 20'' | |
5 | Ion IZAGIRRE | Movistar Team | + 37'' | |
6 | Sergio HENAO MONTOYA | INEOS Grenadiers | + 44'' | |
7 | Simon YATES | Team Jayco AlUla | m.t. | |
8 | Tony GALLOPIN | Lotto Dstny | + 51'' | |
9 | Romain BARDET | Decathlon AG2R La Mondiale Team | + 1'00'' | |
10 | Rui COSTA | Bahrain Victorious | + 1'07'' | |
11 | Arnold JEANNESSON | Cofidis | + 1'09'' | |
12 | Tom DUMOULIN | Alpecin-Deceuninck | + 1'53'' | |
13 | Wilco KELDERMAN | Team Visma | Lease a Bike | + 2'33'' | |
14 | Tim WELLENS | Lotto Dstny | + 3'21'' | |
15 | Lieuwe WESTRA | Astana Qazaqstan Team | + 3'53'' | |
16 | Lawson CRADDOCK | EF Education-EasyPost | + 4'03'' | |
17 | Luis Leon SANCHEZ | Astana Qazaqstan Team | + 4'07'' | |
18 | Pierre ROLLAND | EF Education-EasyPost | + 4'26'' | |
19 | Gorka IZAGIRRE | Movistar Team | + 5'00'' | |
20 | David DE LA CRUZ | Soudal Quick-Step | + 5'12'' |