Journal de Bord - Clément Chevrier : «Step by step»
Par Alexis ROSE le 12/05/2014 à 20:50
Le Tour de Californie a débuté cette nuit du côté de Sacramento. Cette course-là, Clément Chevrier l'a coché depuis le début de l'hiver. Elle représente le premier grand objectif de sa saison 2014 et servira de belle conclusion à son premier périple aux Etats-Unis, débuté il y a maintenant un peu plus de deux mois. Depuis le 28 février dernier, Clément découvre peu à peu le territoire américain avec ses coéquipiers de la Bissell Development Team. Il s'adapte petit à petit à sa vie de coureur néo-professionnel à l'américaine. Pour débuter son cinquième Journal de Bord avec Cyclism'Actu, Clément nous raconte son bon début de saison, avec notamment une victoire au classement général du Tour de San Dimas, sa course de reprise. Après cela, il nous explique comment s'est déroulé son stage en altitude à Boulder, la préparation ultime avant les grandes échéances : le Tour de Gila et le Tour de Californie. L'Amiénois de naissance nous détaille ensuite son Tour de Gila, qu'il a terminé à la 12ème place du classement général. Il revient ensuite sur son adaptation à la vie américaine et nous dévoile enfin ses attentes pour ce fameux Tour de Californie, qui s'achèvera dimanche à Thousand Oaks.
La reprise de la compétition : Tour de San Dimas et Redlands Classic
J'ai repris la compétition sur le Tour de San Dimas, à la fin du mois de mars. Celui-ci s'est déroulé sur 3 jours : un contre-la-montre, une étape en ligne et un critérium. Je peux dire maintenant qu'une belle concurrence était présente au départ. À cette époque l'adversité m'était totalement inconnue.
J'ai terminé 8ème du contre-la-montre, qui a été remporté par mon coéquipier James Oram. Le lendemain, pour l'étape en ligne, je me suis glissé dans une échappée, afin de protéger le maillot de leader de James. Étant le mieux placé au classement général, j'ai fini par être leader et je me suis finalement emparé de la tunique jaune à l'issue de cette deuxième étape. Il ne restait plus qu'à contrôler sur le critérium.
Je remportais là ma première course de la saison, et ma première aux US. Idéal pour commencer ! Cela prouve que l'hiver a été productif, même si j'étais assez confiant de ma condition avant de débuter la saison. Cela m'a aussi permis de bien m'intégrer dans l'équipe, d'avoir la confiance du staff et des coéquipiers.
"Idéal pour commencer !"
Ensuite, j'ai participé à la Redlands Classic. C'est une course célèbre aux US, avec de bons coureurs au palmarès. Le niveau y est plus élevé qu'au San Dimas.
Cependant, après notre récente victoire nous abordions cette course avec le plein de confiance. Le profil des 5 jours de course n'était pas pour m'avantager, mais j'étais bien décidé à rendre la pareillle à mes coéquipiers.
Cependant, après avoir réalisé un contre-la-montre honorable avec James Oram, le 3ème jour, nous nous placions en embuscade pour le classement général. La dernière étape étant assez vallonnée, nous conservions donc des chances pour la victoire finale.
Le dernier jour donc, nous sommes passés à l'attaque dans la dernière ascension pour créer l'échappée décisive, qui allait décider du classement général. James termine 2ème au final et moi 12ème. Un classement qui vérifie notre bonne condition du moment. Ceci confirme surtout notre bon mécanisme en course.
Un premier bloc de courses est alors passé, pour laisser place à un stage en altitude à Boulder, durant 3 semaines, avant de reprendre la compétition sur le Tour du Gila.
Le stage en altitude à Boulder ? "Enrichissant"
Le commencement d'un stage en altitude est très important. En effet, un temps d'adaptation est nécessaire pour bien habituer l'organisme. L'air y est plus rare et il est donc plus difficile de récupérer, notamment. J'ai donc passé 4-5 jours tranquille, à faire des sorties à basse intensité, à soigner mon sommeil, mon hydratation...etc. Je n'ai retrouvé que de bonnes sensations sur le vélo après une semaine. Heureusement, j'ai pu bénéficier des conseils des coéquipiers et du staff pour gérer cette acclimatation.
"S'habituer à l'altitude"
Le but de ce stage était clairement de s'habituer à l'altitude, en vue du Tour du Gila, et de travailler le coup de pédale en montagne, mais aussi de réaliser une grosse charge de travail en vue du Tour de Californie, mon objectif du début de saison.
Le programme de préparation pour le Tour de Californie était le suivant : 3 semaines à Boulder, à 1 700 mètres d'altitude, avec de longues sorties en montagne, mais également quelques séances de derrière scooter, puis 1 semaine à Silver City, à 1 800 mètres d'altitude, pour le Tour du Gila. Au total, ça fait 1 mois complet en altitude. Ensuite, j'ai enchaîné avec une semaine de récupération au niveau de la mer, afin de surcompenser et arriver en bonne condition à Sacramento pour le grand départ du Tour de Californie. Le job est fait maintenant. Reste à voir comment les jambes vont répondre cette semaine.
"Encore une fois j'en ai pris plein les yeux !"
Le séjour à Boulder a vraiment été enrichissant. J'ai pu découvrir de nouvelles choses sur le vélo, optimiser ma préparation avec des séances de massages, faire des séances de "pilates" et de "yoga", que j'ai particulièrement apprécié et que pense reproduire dans le futur. Mais j'ai également continué à découvrir l'Amérique en allant voir un match de baseball à Denver notamment. J'ai rencontré des coureurs comme Taylor Phinney, Joe Dombrowski, Timmy Duggan, Ted King et le célèbre auteur des bouquins de cuisine pour cycliste "FeedZone", Alen Lime. Encore une fois j'en ai pris plein les yeux !
Le Tour de Gila
Le fait de jouer le classement général m'oblige à rester concentrer chaque jour et donc de rester placer. Sur les étapes plates nous travaillons pour notre sprinteur Nicolaï Brochner, ce qui m'oblige à rester dans les premières positions. Et puis, afin de progresser, il est important de courir à l'avant sur tout type de terrain.
"Ici, le niveau est plus élevé en montagne, par rapport à la France"
Le niveau en montagne était assez élevé sur ce Tour de Gila. J'ai été assez surpris. L'adversité était rude, surtout que certains ont un net avantage, qui est de connaître tous les cols et d'être habitué à courir en altitude. En effet, les étapes de montagne se déroulaient au minimum à 2 000 mètres d'altitude. Ce qui n'est pas négligeable.
Daniel Jamarillo était très impressionnant. C'est un jeune Colombien, qui excelle en montagne. L'équipe Jamis-Hagens Berman est en fait assez impressionnante. Avec des coureurs comme Matt Cooke, Amaron, Squire...etc. Mais je pense être bien plus impressionné par d'autres coureurs et d'autres équipes sur le Tour de Californie qui arrive.
Ici, on retrouve sensiblement les mêmes coureurs à l'avant quand la route s'élève, dans les sprints et les chronos. J'apprends à connaître la concurrence et à me faire une idée du potentiel de chaque coureur.
Ici, le niveau est plus élevé en montagne, par rapport à la France. Mais je pense que le niveau en France est supérieur sur les courses plates ou vallonnées, ou à bordures par exemple. Sinon, le scénario de course est le même que dans les courses professionnelles en Europe. Très stéréotypé donc.
"Depuis le début de saison, je suis agréablement surpris de mes chronos"
J'ai réalisé un chrono correct sur ce Tour de Gila. Ceci m'a permis de rester placé au général. Depuis le début de saison, je suis agréablement surpris de mes chronos. La qualité du matériel et le travail de renforcement musculaire, effectué depuis cet hiver, ont l'air d'apporter leurs fruits. Je roule en moyenne deux fois par semaine sur le vélo de chrono. C'est un réel plaisir d'utiliser ce Trek, alors j'en profite !
Au niveau de la récupération, je commence à me connaître grâce à l'an passé avec le Val d'Aoste, le Tour de l'Ain, le Tour de l'Avenir...etc. Cependant un nouveau facteur doit être pris en considération cette année : l'altitude. En effet il y est beaucoup plus difficile de récupérer. J'apprends donc à maîtriser ce facteur pour les futures échéances.
L'adaptation à la vie américaine continue
Je me sens vraiment bien aux États-Unis ! Je maîtrise maintenant la langue, ce qui est vraiment appréciable pour discuter et rigoler avec les coéquipiers notamment. J'ai rencontré des gens exceptionnels ici, tant par leur sympathie que par leur générosité. Ce sont maintenant des amis proches. J'ai réellement l'impression de vivre quelque chose d'unique et j'en suis très reconnaissant. Ce départ à l'étranger est bien plus qu'une expérience humaine, qu'un simple choix de carrière.
"Plus qu'un simple choix de carrière"
Ce qui est différent ici ? L'imprévisible ! En France tout est calculé. Ici, je découvre de jour en jour de nouvelles choses, j'improvise. Je me laisse vivre et je profite de l'instant présent. J'essaye vraiment de prendre du recul sur ce que je suis en train de vivre. La vie française ne me manque pas forcément. Par contre ma famille et mes amis si. Étant très attaché à ces valeurs, je suis forcément pressé de rentrer. Je n'ai pas eu de problèmes à quitter ma famille et mon pays. Je reste en contact par téléphone ou Skype avec mes amis et ma famille, et ce tous les jours.
Mais la vie ici reste très agréable. Les 3 derniers mois sont passés très vite, preuve que je n'ai pas eu le temps de m'ennuyer !
"C'est une chance que j'ai de découvrir une autre culture à mon jeune âge"
Ce n'est vraiment pas un calvaire pour moi d'être ici. Au contraire, c'est une chance que j'ai de découvrir une autre culture à mon jeune âge. Et j'en suis très reconnaissant.
Beaucoup de choses ont changé dans mon alimentation. Je pense avoir "reculé" sur ce point. Mais ce qui n'est pas pour me desservir au final... J'avais besoin de voir autre chose, de me sortir un peu de mon univers. En France nous avons beaucoup d'idées reçues sur la nourriture que les Américains n'ont pas. Cependant, je pense que l'équipe a énormément de progrès à faire... Ce n'est pas un problème pour eux de nous envoyer manger un Subway avant la course par exemple (rires) !
L'entraînement et l'ambiance dans l'équipe Bissell
Le temps est clairement plus agréable ici pour rouler. Moi qui aime la chaleur et le soleil, je suis servi ! C'est très agréable à vivre sur le vélo, comme dans la vie. Les routes sont différentes de la France.
"C'est très varié"
J'ai particulièrement aimé Boulder pour s'entraîner. Tout y est pensé "cycling". Avec notamment des distributeurs automatiques de gels énergiques et de chambres à air dans la rue ! Là-bas, on peut travailler le plat, le derrière scooter, le CLM, les sprints, mais également travailler en montagne. Sur des cols plus ou moins long et raide. C'est très varié. C'est également habituel de rouler sur des chemins type "Strade Bianche" pendant des kilomètres. Assez atypique et ludique. Je garde en mémoire un magnifique entraînement avec Taylor Phinney dans ces chemins à presque 3 000 mètres d'altitude !
Vincent Terrier gère totalement mon entraînement. Je suis très content de notre travail. Nous sommes en contact tous les jours, avec des retours pointilleux sur mes sorties, ce qui nous permet d'anticiper la suite du programme et d'ajuster l'entraînement. Je peux bénéficier des conseils du staff de Bissell pour anticiper l'enchaînement de certaines courses, l'acclimatation à l'altitude...etc.
"C'est en quelque sorte une grande famille"
L'ambiance est très bonne dans l'équipe. Nous sommes tous jeunes, avec l'envie de découvrir de nouvelles choses et de progresser. Et chacun a compris que l'on réussirait dans le vélo en étant solidaire, en s'entraidant. On ne se marche pas dessus. Chacun à la place pour s'exprimer dans son domaine.
Nous sommes complémentaires et c'est en quelque sorte une grande famille, bien plus qu'une simple équipe de cyclistes. C'est important d'avoir un noyau sur qui compter, puisque nous sommes tous éloignés de nos familles respectives. Et puis, on passe beaucoup de temps ensemble. On partage donc pas mal d'activités extra-sportives comme les cafés, le shopping, les restaurants, les matchs de Baseball...etc. On aime également cuisiner et faire découvrir les spécialités culinaires de nos pays respectifs.
Nous sommes indirectement en contact avec l'équipe Trek. Mais il n'y pas d'échanges. Nous ne sommes pas la "Development Team" de Trek mais plus du peloton en général.
Le Tour de Californie, "une très belle vitrine"
C'est le premier gros objectif de la saison. Il conclut une première partie de saison. Je m'entraîne depuis cet hiver par rapport à cette course. Je pense avoir fait la meilleure approche possible pour être en bonne condition. Même si j'ai bossé dur à l'entraînement, je redoute le manque de jours de course par rapport aux autres coureurs des équipes World Tour.
"Tout à prouver et rien à perdre !"
Ce Tour de Californie, c'est une très belle vitrine pour les jeunes coureurs qui cherchent à évoluer ! Cela nous permet de nous mesurer aux meilleurs et d'évaluer le travail qu'il reste encore à faire pour jouer dans la cour des grands. Dans l'équipe Bissell Development Team nous avons tout à prouver et rien à perdre ! À nous d'être opportuniste et de saisir notre chance.
L'objectif de l'équipe sera de se montrer. D'être acteur de la course. Forcément c'est important pour les sponsors, mais c'est également la meilleure manière de progresser et d'apprendre. Et par conséquent de se montrer face aux grosses équipes présentent ici.
"J'ai les yeux qui brillent à chaque fois que je croise les grands coureurs"
Je serais certainement protégé au même titre que James Oram en vue du classement général et des arrivées au sommet. Nous attendons de voir le classement après le 3ème jour de course pour envisager le reste de la semaine.
Voir ces grands noms au départ, c'est encore plus motivant. Encore plus impressionnant aussi. Depuis mon arrivée à l'hôtel j'ai les yeux qui brillent à chaque fois que je croise les grands coureurs et les grandes équipes. Ces gars ont réussi là où je souhaite réussir dans l'avenir. Je leur dois donc un grand respect.
"Je n'ai vraiment aucune idée de mon niveau par rapport au reste du peloton"
On a toujours une certaine pression puisque l'on a envie de réussir. Mais celle-ci doit être positive pour nous tirer vers le haut. Je n'ai pas d'objectifs précis pour ce Tour de Californie. Je veux juste donner le meilleur de moi-même et essayer de finir la semaine sans regrets. J'attends de voir mon classement après le 3ème jour de course et l'arrivée au Mount Diablo, pour envisager la suite de la semaine.
Je n'ai vraiment aucune idée de mon niveau par rapport au reste du peloton. Forcément, l'idéal pour moi serait d'accrocher un bon classement général. Ce qui prouverait une certaine régularité et un bon niveau en montagne. Mais il existe aussi d'autres moyens pour finir la semaine satisfait... Et surtout il ne faut pas oublier que ce n'est que ma première saison à ce niveau et ma première course à ce niveau également.
"Ici pour apprendre et faire de mon mieux"
Je suis d'abord ici pour apprendre et faire de mon mieux. Toujours pour rester dans une optique de progression. Il serait totalement irréaliste de penser pouvoir batailler avec les meilleurs coureurs du peloton mondial, qui ont déjà des années World Tour dans les jambes. Je dois évoluer "step by step" comme le dit si bien Axel Merckx. Et ce Tour de Californie doit être une marche de plus dans ma progression.
Le contre-la-monte de mardi, je l'aborde sans pression. Je ne m'attends pas à exceller, mais je prends beaucoup de plaisir à rouler sur mon vélo de chrono, alors je profite. Je donnerai forcément le meilleur de moi-même, afin de limiter la casse en vue d'un éventuel bon classement général final.
"Un bon classement général final serait l'idéal..."
Je ne connais pas les ascensions de ce Tour de Californie. Ça sera une totale découverte pour moi. Évidemment j'ai analysé le parcours. Je me suis renseigné auprès des coureurs et directeurs sportifs. Grâce à Strava, nous pouvons maintenant connaître en détail les ascensions.
Un Tour de Californie réussi, ce serait de terminer avec le sentiment d'avoir donné le meilleur de moi-même, d'avoir saisi les bonnes opportunités. Dans le but d'un bon apprentissage, ma manière de courir sera peut-être plus importante que le résultat brut. Mais évidemment un bon classement général final serait l'idéal...
Propos recueillis par Alexis ROSE
Les précédents Journaux de Bord de Clément Chevrier : #1, #2, #3, #4.
N.B. : Si vous avez des questions à lui poser, n'hésitez surtout pas à poster des commentaires dans le formulaire ci-dessous. Clément répondra à toutes les questions dans les prochains Journaux de bord. Merci.