Tour de France - Fayet : «Pogacar-Vingegaard, deux enfants qui se chamaillent»
Visiblement, vous avez aimé les billets d'humeur de Marc Fayet en 2023, alors on remet ça pour 2024 ! Vous avez pu le découvrir et le lire sur Cyclism'Actu ! Marc Fayet est donc de retour pour cette saison avec sa chronique ou plutôt sa rubrique "Les carnets secrets", avec un nouvel épisode qui revient sans surprise en ce premier jour de repos sur la première semaine du Tour de France. Pour rappel, Marc Fayet, né en 1961, est un homme du théâtre et de la scène. Acteur et metteur en scène mais aussi passionné de vélo. Marc s'est toujours investi : il écrit, commente, agit autant qu'il le peut dans le cyclisme, notamment sur le Tour du Finistère dont il est aujourd'hui et depuis 2021, le président du comité d'organisation. Marc Fayet et "ses" carnets secrets, c'est désormais à retrouver régulièrement sur Cyclism'Actu.
Vidéo - Romain Bardet sera sur ses terres ce mercredi !
"Le dimanche venu, Bardella, mais Bardet l’a plus, malgré sa rassemblée nationale"
Franchement le Tour c’est bien mieux que Netflix. Tandis que la plateforme nous propose pour la deuxième année sa série « Au cœur du Peloton » avec quelques ficelles narratives qui commencent à devenir un peu trop grosses, voici que le direct que nous vivons chaque jour depuis le 29 juin nous offre un scénario bien plus haletant et largement plus émouvant tant il nous prend aux tripes. On peut dire que les scénaristes de cette édition se sont sacrément défoncés. Débuter par la victoire de Romain Bardet au moment où on pensait seulement assister à ses adieux est un summum en soi. Qu’il endosse le maillot jaune quand il n’en rêvait peut-être plus est encore plus grand et nous a tous ravis. Seule déception c’est que le dimanche venu, Bardella, mais Bardet l’a plus, malgré sa rassemblée nationale.
Et puis dimanche c’est un garçon tout seul qui effectue un exploit d’habitude réservé à des machines à rouler étrangères, justifiant alors le mariage plus que de raison de deux formations Bretonnes, l’une qui rêvait de devenir grande, et l’autre qui avait crû l’être devenue. Deux sœurs ennemies qui ont pu trouver une alliance bénéfique grâce à un garçon qui il y a trois semaines chialait comme un Vauquelin pour 3 secondes de trop. Et voici que pour son premier Tour ce jeune homme rendait son rouge maillot éclatant quand le soir même on constatait à quel point le rouge avait pâli à travers tout le pays.
"Tadej et Jonas, comme deux enfants qui n’ont jamais fini de se chamailler en silence, déjà seuls au monde"
Puis ce lundi 1er juillet un peu vaseux sur les terres Italiennes où ils ne sont pas les bienvenus, voici qu’un Erythréen au milieu des vagues du sprint franchit la ligne d’arrivée en vainqueur quand tant de ses frères ne peuvent souvent que prier pour franchir les tempêtes méditerranéennes sur des esquifs de fortune et espérer arriver vivants sur les côtes de Lampeduza. Beau symbole pour Bimian Girmay qui voit tant des siens disparaître en mer et se faire refouler sur terre comme on craignait encore en ces jours indécis qu’ils le soient plus encore par une vague Marine en plein essor. Mais cette avalanche de faits ne pouvait se passer de la chronique d’une vérité sportive annoncée où Tadej eut droit à un A Valloire sur son triomphe prochain suivi de loin par un Jonas esseulé mais jamais affolé comme deux enfants qu’ils sont encore et qui n’ont jamais fini de se chamailler en silence, déjà seuls au monde.
Ces 4 épisodes avaient de quoi faire couler beaucoup d’encre et tous les rapporteurs s’en donnèrent à cœur joie mais c’était sans compter sur ce mercredi historique voyant triompher l’homme qui n’était plus que sprinteur dans sa tête et dans notre souvenir du passé, celui pour qui on réservait un reste de sympathie pour un combat qu’on croyait vain et qui a définitivement imposé sa Mark de fabrique sous sa nouvelle Kazakh. Le lendemain à Dijon, disons que c’était l’officialisation de la fin d’un purgatoire, presque d’une prison, celle de Dylan Groenewegen, qui refusant de tasser sur la droite comme il le fit tragiquement lors d’un Tour de Pologne, a préféré gagner sur la gauche tout comme le Cav de la veille, la gauche étant visiblement devenue en ces temps troublés, le meilleur chemin pour l’emporter.
"Anthony Turgis, l’ultime message, celui d’une France qui gagne encore"
Puis comme si le message se voulait plus que symbolique, c’est l’Erythréen Girmay à nouveau qui l’emporta renforçant sa couleur verte comme l’espoir. Il ne devra plus s’étonner si maintenant il souffre de discrimination, celle d’appartenir à une race bien identifiée, celle des très grands sprinters, mais ceux-là, on ne veut pas les refouler bien au contraire, on en a besoin pour assouvir nos besoins de justesse sociale. Pour finir en beauté en ce dimanche décisif et tant attendu sur les chemins blancs comme ceux de la rédemption, voici l’ultime message, celui d’une France qui gagne encore, comme un sursaut d’orgueil dans un sprint à trois et à Troyes devant une nouvelle assemblée nationale avec un Anthony Turgis dans son maillot blanc, devançant un rouge et un bleu, prouvant que l’essentiel est de sauver le drapeau tricolore, ce que firent les millions de Français ce dimanche pour nous proposer des lendemains possibles grâce à ce répit de justice.