Reportage - Au coeur du Critérium de Lisieux d'après Tour
Par Sam MYON le 04/08/2015 à 19:55
Vidéo - Les Critériums lucratifs pour les Héros du Tour de France
C’est un passage obligé pour les coureurs qui ont animé, brillé ou simplement participé au Tour de France (ce qui est déjà un exploit), un moment de communion avec le public qui vous a soutenu trois semaines durant. Les Critériums d’après Tour sont des courses sans réels enjeux sportifs mais qui se présentent sous la forme de grandes fêtes populaires. Cyclism’Actu s’est rendu la semaine dernière à Lisieux pour le premier d’entre eux en France, immersion.
Il est midi lorsque Bernard Aubril, président du Vélo Club Lexovien (l’association qui organise ce Critérium), s’active pour mettre en place les derniers préparatifs de ce jubilé qui se déroule chaque année ou presque depuis 1981 (il n’y a pas eu d’édition en 1982). Rien ne doit être laissé au hasard pour garantir la sécurité de ceux qui feront le spectacle dans la soirée pour ce 34e Critérium de Lisieux.
Organisé quarante-huit heures seulement après l’arrivée du Tour de France sur les Champs-Élysées, cette "parade post Tour" veut s’inscrire dans la continuité de l’épreuve : "Le fait que ce Critérium soit situé si près de l’arrivée à Paris, c’est un gros avantage et un tout petit handicap. Le gros avantage, c’est que le public a encore dans un coin de sa tête les trois semaines du Tour. Si vous faites la même chose dans 15 jours, je ne suis pas sûr que la réussite serait la même", explique Bernard Aubril. De plus, une loi française empêche la tenue d’un Critérium le lendemain de la dernière étape : "Notre réglementation en France avec les 35 heures fait que les coureurs doivent s’abstenir de courir en France le lundi qui suit l’arrivée sur les Champs", ce qui n’est pas le cas des autres pays européens. À Alost (Belgique) ou à Boxmeer (Pays-Bas), les héros du Tour étaient sur leurs vélos le lundi 27 juillet.
Tout un programme de course
Une fois que tout est en place, les courses peuvent se succéder dans la capitale du Pays d’Auge. Oui, car il n’y a pas que les professionnels qui parcourent les 2,9 kilomètres du circuit (rallongé de 300 mètres par rapport à l’année dernière). Des épreuves ont lieu tout l’après-midi avec d’abord la course FSGT puis celle des amateurs. Les pros eux, se mettent en selle plus tard en début de soirée. Si la première devait démarrer aux alentours de 14 heures, il faut compter quarante-cinq minutes de plus pour voir les FSGT se lancer, le circuit n’étant pas totalement sécurisé. Voilà toute la difficulté pour structurer une course en plein centre-ville, au pied de la Cathédrale Saint-Pierre et de la mairie. Peu importe le "retard" sur l’horaire initial prévu, la fête peut commencer !
"Il y a déjà du monde pour la course FSGT alors je me dis, qu’est-ce que ça va être ce soir vers 19h30-20h", le président du club local est optimiste quant à la réussite de cet évènement qui va réunir ce soir près de 20 000 personnes dans les rues de Lisieux. Le ciel est pourtant bien gris à ce moment-là de la journée, trois heures avant l’arrivée des premiers professionnels. Mais ce qui compte avant-tout dans un Critérium, n’est-ce pas l’ambiance Monsieur l’organisateur ? "Oui et cette ambiance, c’est les coureurs, le public et les partenaires qui savent la donner", rétorque-t-il.
Tant mieux, car la pluie fait son apparition une fois la première course du jour terminée. Les amateurs concourent donc sous une météo capricieuse, qui oblige à la prudence sur un circuit par endroit très technique.
Bain de foule pour les héros du Tour
La voix du Tour et du cyclisme en France, Daniel Mangeas, arrive peu avant les principaux protagonistes de la soirée. L’occasion pour lui d’enregistrer sa chronique pour Cyclism’Actu et de témoigner son amour pour les "Cri-cri" qui ont perdu non pas en saveur mais en quantité car beaucoup moins présents qu’à une certaine époque : « Les Critériums, c’est la rencontre des champions avec le public ! C’est très important, Poulidor me dit toujours que jadis : "on faisait 80 Critériums", maintenant il en reste presque dix fois moins. C’est dommage car c’est une belle fête populaire ». Il est 18 heures, le speaker historique du Tour a encore une bonne heure devant lui pour se préparer avant de prendre le micro.
Les spectateurs eux, se pressent sur la place Mitterrand où viennent d’arriver les bus des équipes Europcar et Auber 93. D’autres professionnels ont fait le déplacement par leurs propres moyens, comme Warren Barguil qui est venu en voiture. Celle-ci est d’ailleurs cernée par beaucoup de supporters qui saluent le courage dont a fait preuve le Breton lors du Tour de France (qu’il a terminé à la 14e place). Ça y est, l’ambiance est montée d’un cran.
Pas un contrat signé avant la course
Nous avons maintenant rendez-vous dans un hôtel situé 100 mètres avant la ligne de départ et d’arrivée pour le traditionnel point presse des coureurs. Personne n’était sûr de savoir quels coureurs allaient s’y présenter. Bernard Aubril lui-même n’en était pas officiellement sûr à 15 heures ce mardi : "Aujourd’hui, nous sommes à 5 heures du Critérium et je n’ai pas un contrat signé avec les professionnels. C’est leur parole et la mienne, c’est ainsi depuis 34 ans. Il n’y a jamais eu de problème !". Là encore, pas de souci à ce niveau. Tous ceux qui avaient donnés leur parole ont répondu présent, seuls Tony Gallopin (qui se remet d'une chute) et Pierre Rolland (malade) manquent à l’appel. Deux têtes d’affiche absentes, c’est forcément un coup dur pour l’organisation qui a dû trouver une parade…
« Je me suis alors demandé ce que je pouvais faire et j’ai regardé mon carnet d’adresse, relate celui qui est également maire de la ville. J’avais vu Thomas Voeckler et il m’avait dit qu’il ne voulait pas faire de Critérium. Néanmoins, Thomas reste la coqueluche du public français et s’il pouvait n’en faire qu’un, celui de Lisieux, ce serait génial. Par l’intermédiaire de coureurs d’Europcar qui l’ont prévenu, il m’a dit : "Écoute Bernard, si c’est pour te rendre service, alors je viens" ». Ce que confirme Cyril Gautier, coéquipier du vendéen d’adoption : "Thomas est une tête d’affiche. C’était important pour nous d’essayer de le convaincre d’ajouter ce Critérium (son seul cette saison) à son programme de course. Il a accepté et c’est je pense, une très bonne nouvelle pour les spectateurs". Pari gagnant que d’amener le chouchou des Français à Lisieux, lequel se présente en dernier au premier étage de l’Hôtel de la Place.
Le classement défini par avance
Une fois les coureurs réunis, tous écoutent attentivement les quelques mots prononcés par le président du VC Lisieux, déjà tourné vers l’année prochaine et la 35e édition. Il l’assure : "Il y aura une trente-cinquième édition !". Lorsque l’on discute avec les acteurs, une moitié de coureurs du Tour et une autre moitié de néo-pros, tous sont ravis de l’ambiance qui entoure cet évènement. "On prolonge la magie du Tour de France, raconte Barguil. C’est toujours plaisant de voir les gens qui m’ont encouragé pendant trois semaines, signer des autographes et prendre des photos avec eux. C’est important pour moi". Même sentiment pour Cyril Gautier qui tient à avoir un petit mot pour l’organisation : "Il y a vraiment beaucoup de monde ici, c’est bien car Bernard se bat énormément pour sauver ce Critérium. Ça ne doit pas être simple à gérer car il faut aller les chercher… les sponsors", dit-il avant de redescendre chercher son dossard.
Daniel Mangeas a déjà pris le micro. Quelques minutes plus tard, les participants arrivent sur la ligne de départ pour la course Gentlemen. Un contre-la-montre d’un tour où un professionnel est associé à un amateur (voire plusieurs). Moment inoubliable pour ceux qui ont le bonheur de le vivre. Il est environ 21 heures lorsque le départ du Critérium professionnel est donné.
Ces courses d’un jour où l’on fera : "Semblant d’en découdre à la pédale. Le classement étant défini à l’avance" (voir vidéo ci-dessus) sont parfaitement orchestrées. La course se déroule à allure très rapide, les coureurs se montrent tour à tour en échappée et profitent des acclamations d’une foule qui n’a de cesse de s’épaissir. Parce qu’il y a des prix au bout de la nuit, le champion de France Steven Tronet s’adjuge le classement par points tandis que la vedette de la soirée Warren Barguil succède au palmarès à Tony Gallopin. Il devance Jérémy Roy et Thomas Voeckler, l’invité de dernière minute.
Tout le monde y trouve son compte
Le public est heureux, il a pu approcher et saluer ceux qui l’ont fait rêver tout au long du mois de juillet. Pour les coureurs aussi, ce premier rendez-vous d’après Tour fut une belle réussite. En plus du bain de foule, les héros de la soirée perçoivent une enveloppe de 60 000 euros (le budget total du Critérium de Lisieux avoisine les 100 000 euros), somme qu’ils se répartissent selon leur notoriété. Une juste récompense après avoir parcouru (pour la plupart) près de 4000 kilomètres lors du Tour de France. Le mot de la fin est pour Bernard Aubril : "C’est toujours un plaisir pour les organisateurs, pour les coureurs, pour la ville et les différents partenaires de faire quelque chose qui marche. Ils ont tous répondu présent, vivement l’année prochaine".
La tournée des Critériums d'après Tour, les dates à retenir :
- 4 août : CRITERIUM CYCLISTE DE CASTILLON-LA-BATAILLE
- 5 août : CRITERIUM DE MARCOLES EN CHATAIGNERAIE
- 8 août : NOCTURNE CYCLISTE – CRITERIUM PROFESSIONNEL
- 16 août : CRITERIUM CYCLISTE INTERNATIONAL DE QUILLAN CRT
- 24 août : GRAND PRIX D'HELLEMMES
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