Les carnets secrets - Marc Fayet : «Chers Mathieu, Remco, Tadej et Jonas...»
Visiblement, vous avez aimé les billets d'humeur de Marc Fayet en 2023, alors on remet ça pour 2024 ! Vous avez pu le découvrir et le lire sur Cyclism'Actu ! Marc Fayet est donc de retour pour cette saison avec sa chronique ou plutôt sa rubrique "Les carnets secrets". Pour rappel, Marc Fayet, né en 1961, est un homme du théâtre et de la scène. Acteur et metteur en scène mais aussi passionné de vélo. Marc s'est toujours investi : il écrit, commente, agit autant qu'il le peut dans le cyclisme, notamment sur le Tour du Finistère dont il est aujourd'hui et depuis 2021, le président du comité d'organisation. Marc Fayet et "ses" carnets secrets, c'est désormais à retrouver régulièrement sur Cyclism'Actu.
Vidéo - Tadej Pogacar a (encore) survolé les Strade Bianche !
"C’est notre dose d’excitants, notre piqure de stimulants... "
Et c’est parti ! A peine l’exploit incommensurable accompli par Tadej samedi à Sienne, voici qu’une avalanche de commentaires s’abat sur l’homme comme sur son exploit, comme sur nos rêves, comme sur notre hallucination. Et pourtant, quelles preuves éventuelles sont apportées sur une soi-disant preuve de dopage ? Aucunes ! Et ce ne sont pas les chiffres d’Antoine Vayer qu’il est presque le seul à comprendre, qu’il a peut-être même inventés, qui peuvent faire douter les spectateurs comme moi, fascinés, hypnotisés par cette immense chevauchée du jeune champion au sourire enjôleur, que certains voudraient trop généreux pour être honnête.
#StradeBianche 🇮🇹
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Quick hello to family & friends before the start â¤ï¿½'�@TamauPogi @StradeBianche #WeAreUAE pic.twitter.com/i1ijWk02iP
Pourtant, ils sont un certain nombre de coureurs de cette jeune génération à nous gratifier de ces accélérations prodigieuses, il ne suffit que de citer Mathieu Van Der Poel sur l’ensemble de ses cyclo-cross de cet hiver, ou encore à l’image de son championnat du monde remporté il y a deux ans. Il ne suffit que de voir Remco Evenepoel quand il décide où qu’il soit de partir pour finir seul comme il le fit en Espagne il y a quelques jours à 55 kms de l’arrivée. Il ne suffit que de voir Jonas Vingegaard sur le Tour de France (Et même si ce n’est que là) accélérant en plein col et se débarrassant inexorablement de ses adversaires.
Le propre même des super champions c’est toujours d’écraser la concurrence, de partir quand ils le veulent pour gagner parce qu’ils le peuvent. Non, il n’est pas utile de revoir, pour témoins de nos aveuglements anciens, l’exploit de Bjarn Riis en 96 laissant tout le monde sur place dans Hautacam, pas utile de revoir Armstrong au Ventoux ou sur l’Alpe d’Huez, pas utile non plus Floyd Landis dans Joux Plane et tant et tant d’autres qui ont fait si mal à nos songes et tant ébréché les images de nos souvenirs. Ces images qui nous accompagnent si admirablement lorsque trop englués dans la tristesse grise d’une existence fade, nous vivons par procuration l’exultation de la victoire dans l’exaltation de l’effort ultime.
🌊Moses split the Sea, @TamauPogi split Le Tolfe @UAETeamEmirates | #StradeBianche pic.twitter.com/1Lw1WpKnJJ
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"Dans l’attente du jugement prochain et de la preuve future, tant pis si je dois me faire attaquer par les soupçonneux..."
C’est notre dose d’excitants, notre piqure de stimulants, générés par des images dont nous nous abreuvons sans réserve pour fuir la tristesse du temps accablée par la nuit des temps. Ces nuits où hurlent les loups ayant retrouvé leur meute et voulant faire entendre que la nuit sera celle de l’angoisse, du danger, de la chasse à l’homme ou à la brebis, peut-être à la chèvre de Monsieur Seguin. Dans cette métaphore je demande aux loups de laisser les Brebis s’ébattre à leur guise, tant qu’elles nous réjouissent, car toutes ne sont pas égarées. Qu’ils choisissent plutôt une chèvre car cette chèvre là ce sera peut-être moi, trop blanche et trop naïve jusqu’à ne pas croire au mal, voyant toujours l’herbe plus verte sous les roues des autres, ceux qu’elle imagine avec un cœur plus sain sous les fils de leur maillot et un sang plus pur dans les veines de leurs mollets.
Eh bien oui ! Dans l’attente du jugement prochain et de la preuve future, tant pis si je dois me faire attaquer par les soupçonneux, dévorer par les suspicieux et lyncher par les sceptiques, j’ai décidé de croire en l’incroyable, justement parce que c’est à ne pas croire, et à l’époque où le pire semble toujours à venir, il est bon de se contenter du meilleur à savourer, parce que c’est le bonheur de l’immédiateté, celle qui nous accompagne dans ces moments de chevauchée fantastiques qui sont autant d’ouvertures sur notre liberté si chèrement entretenue. Alors je n’ai qu’une chose à espérer chers Mathieu, Remco, Tadej et Jonas, continuez à vous évader au-delà du possible et si on nous apporte la preuve que vous n’existez pas, alors c’est que finalement toute la vie n’est qu’un songe.