Journal de Bord - Chevrier : «Courir l'esprit libéré»
Par Alexis ROSE le 28/06/2014 à 11:54
Le dernier Journal de Bord de Clément Chevrier remonte à la fin du Tour de Californie, qu'il avait terminé à la 24ème place finale. Cela fait donc un mois et demi. Depuis ce temps, Clément est revenu sur le sol français. Son retour, au lendemain du Tour de Californie, a été malheureusement endeuillé par le décès d'un membre de sa famille. Un retour difficile donc, malgré un certain bonheur de retrouver ses proches, qu'il n'avait pas vu depuis son départ aux États-Unis. Après 4 jours sans vélo, Clément s'est ensuite remis en selle avec comme objectif le Tour des Pays de Savoie. Pour préparer au mieux son premier gros objectif en France, le coureur de l'équipe Bissell, a réalisé des gros entraînements, surtout pour essayer de combler l'absence de course. Pour monter en forme, il a d'abord effectué des critériums, puis un stage en altitude et enfin des cyclosportives. Il a donc tout fait pour arriver au top de sa forme sur le Tour des Pays de Savoie, mais son "manque de compétition" et "une crise d'urticaire 4 jours avant le départ" lui ont coupé la forme... 13ème du classement général final de ce Pays de Savoie, Clément avoue que "l'objectif n'est clairement pas atteint". Déçu par sa performance, il se tourne désormais vers le Championnat de France de dimanche. Sans objectif en tête, il explique juste vouloir "prendre du plaisir et courir l'esprit libéré". Le but principal sur un vélo ! Place au 7ème Journal de Bord de Clément Chevrier sur Cyclism'Actu !
Le retour en France, la préparation pour le Tour des Pays de Savoie
Je suis rentré des États-Unis au lendemain du Tour de Californie. Un retour à la réalité assez brusque, avec la fatigue accumulée par les jours de course, le décalage horaire et la grosse différence de température... De plus, le "jetlag" est toujours plus délicat à encaisser dans le sens du retour. En réalité, le plus dur à encaisser n'a pas été tous ces paramètres, mais bien plus la prise de connaissance du décès d'un membre de ma famille en descendant de l'avion... Un événement difficile à gérer avec ses proches, mais qui m'a vite remis les pieds sur terre et m'a rappelé les véritables valeurs de la vie. Un recul que l'on peut vite oublier lorsque l'on est coureur, enfermé dans notre bulle, coupé du monde à se faire "chouchouter" lorsque l'on se trouve en course. Malgré cette triste nouvelle, il m'était évidemment très plaisant de revoir mes proches et mes amis. Raconter ce que j'ai vécu pendant 3 mois, montrer les photos, offrir les cadeaux... Et surtout passer du temps avec eux. Tout simplement.
"C'est clairement avec le Tour des Pays de Savoie en tête que je me suis remis en selle"
J'ai effectué 4 jours sans vélo après le Tour de Californie, avant de reprendre tranquillement l'entraînement. J'ai vraiment "dévissé" pendant 1 semaine, pour me remettre de la fatigue accumulée par la course et le décalage horaire. C'est clairement avec le Tour des Pays de Savoie en tête que je me suis remis en selle avec l'idée de combler le manque de compétition pendant plus d'un mois en m'entraînant très sérieusement. Que ce soit sur le vélo, comme dans l'hygiène de vie. C'est une course qui me tient à coeur, de plus j'ai la chance de courir sous le maillot de l'équipe de France ce qui me motive davantage à briller sur les routes de Savoie.
"Il n'y a pas de méthode exacte pour arriver en forme"
Il n'y a pas de méthode exacte pour arriver en forme. Chacun doit se connaître, se gérer. Il y a tant de paramètres à prendre en compte. Comme les courses effectuées précédemment, les caractéristiques de l'épreuve ciblée, la fatigue du moment...etc. Pour ma part, le but était de refaire dans un premier temps les bases foncières avec de longues sorties et du travail de force sur le vélo. Puis d’amener du rythme avec des séances de travail au seuil, de PMA et de derrière scooter. Le but étant d'accumuler de la fatigue pour enfin "dévisser" sur l'entraînement quelques jours avant l'objectif, afin de créer un phénomène de surcompensation, de manière à élever son niveau plus haut que lorsque que l'on a commencé le bloc de travail.
"Quel plaisir de se remémorer tous ces bons moments"
Le but premier de critériums était de se faire plaisir, de revoir les amis et puis c'est toujours plaisant de participer à ce genre d'évènement. J'ai fait le critérium d'Amiens, sur un circuit où j'ai appris à faire du vélo, où je m'entraînais en école de cyclisme. Quel plaisir de se remémorer tous ces bons moments avec les gens qui m'encadraient à cette période ! Le lendemain, j'ai participé au critérium de Calais, où là j'ai pu rouler aux cotés de grands noms comme les frères Schleck. D'un point de vue sportif, j'ai essayé de trouver tous les moyens possibles pour combler le manque de jours de course. Je pensais alors que participer à ces critériums serait productif dans cette optique, mais il s'avère que l'allure n'est tout de même pas représentative d'une véritable compétition.
"Le regard des gens par rapport à moi a changé"
Le regard des gens par rapport à moi a changé. Et j'en suis parfois mal à l'aise. Notamment lorsque les gens, ou des enfants, viennent me solliciter pour une photo et un petit autographe. J'ai l'impression de me revoir plus jeune avec les yeux qui brillent. Rien que le fait d'être invité sur ces critériums est très plaisant pour moi. Cependant, il faut garder les pieds sur terre et l’évènement récent subi dans ma famille m'a rappelé la véritable valeur des choses.
Dans la foulée de ces critériums, je suis parti dans la vallée de la Maurienne pour effectuer un stage personnel d'une semaine. Animé par des participations à deux cyclosportives : la Gran Fondo Pantani et la Time Mégève Mont Blanc. Encore dans l'idée de remplacer des jours de course. J'en ai également profité pour reconnaître l'intégralité du Tour des Pays de Savoie. D'un point de vue de l'entraînement, le but était de retrouver le coup de pédale de la montagne et effectuer un gros bloc de travail avec de bonnes heures de selle.
"J'ai pris beaucoup de plaisir à participer à la Time Mégève Mont-Blanc"
J'ai pris beaucoup de plaisir à participer à la Time Mégève Mont-Blanc. Car depuis tout petit je voyais mon père y participer chaque année et je m'étais dit qu'une fois la majorité atteinte je m'engagerai sur l'épreuve. Je rêvais de monter des cols à cette époque. Chose faite donc cette année. La participation à cette cyclosportive était productive, dans le sens où le parcours empruntait les mêmes routes que la deuxième étape du Tour des Pays de Savoie. Les sensations étaient bonnes sur l'épreuve, ce qui m'a valu de réaliser de bons efforts et de franchir la ligne en tête. Évidemment, il ne s'agit "que" d'une cyclosportive et que la plupart des concurrents ont un métier à coté de leur activité cycliste, contrairement à moi. Mais c'est toujours plaisant et cela m'a tout de même permis de me rassurer sur mes sensations.
"Ce qui est venu enrayer la machine, c'est cette fameuse crise allergique"
Malheureusement, je suis arrivé au départ du Tour des Pays de Savoie dans l'inconnu. En effet, je redoutais le manque de compétition depuis plus d'un mois. De plus, j'ai contracté une crise d'urticaire 4 jours avant le départ du Pays de Savoie, ce qui m'a vraiment fatigué à une période où j'aurai dû justement récupérer pour réaliser ce fameux phénomène de surcompensation. Je n'avais pas de regrets sur ma préparation au départ de ce Savoie, notamment sur le fait de combler le manque de compétition. J'ai fait ce que je pouvais, avec mes moyens mis à ma disposition. Peut-être même trop à certains moments... Ce qui est venu enrayer la machine est cette fameuse crise allergique quelques jours avant le départ. Malheureusement ce sont des aléas que l'on ne maîtrise et j'ai donc dû aire avec.
"Plus d'un mois sans jours de course, c'est trop pour arriver au top dès sa course de reprise"
Je partais clairement dans l'esprit de briller sur ce Pays de Savoie. Remporter le classement final aurait été la meilleure des choses. Malheureusement, les années se suivent et ne se ressemblent pas. Le manque de jours de course m'a clairement desservi dans le final des étapes où je manquais de condition. C'est en fait plus difficile que prévu pour combler ce manque. Plus d'un mois sans jours de course, c'est trop pour arriver au top dès sa course de reprise. Encore plus sur une course aussi difficile que le Tour des Pays de Savoie. Tous les coureurs savent que nous avons besoin d'un minimum de jours de compétition pour se remettre dans le bain avant un objectif.
Le Tour des Pays de Savoie en lui-même
Comme je le disais, il fallait être au top dès le premier jour avec cette arrivée en altitude. Les sensations étaient bonnes pendant l'étape, où j'ai préféré passer à l'attaque assez tôt pour éviter de se faire piéger par de gros mouvement à l'avant. C'est toujours délicat à gérer ces premières étapes. Nous avons abordé la dernière ascension à 1'30'' de la tête de course. Sur excès de confiance, et pensant être en bonne condition, j'ai attaqué le pied de la montée de Valmeinier très rapidement avec Louis Vervaeke. Malheureusement, j'ai payé cet effort cash et je n'ai jamais réussi à m'en remettre jusqu'à la fin de l'ascension. Évidemment, c'était une grosse déception à l'arrivée. J'ai vite vu que je manquais de condition dans le final. Mais le Tour des Pays de Savoie étant une course d'usure aussi, je pensais me rattraper au fil des jours...
"Un Louis Vervaeke imprenable"
La deuxième étape a été intense du début à la fin. Un gros groupe d'une trentaine de coureurs s'est détaché en début d'étape, ce qui a obligé le Chambéry CF à réduire l'écart dans le premier col. Arrivé dans le col de la Forclaz, malgré le fait d'être encore à 100 kilomètres de l'arrivée, nous nous sommes attaqués, ce qui a totalement écrémé le peloton. Dans le final, l'échappée du matin va au bout et le groupe maillot jaune s'est expliqué à la pédale. Avec un Louis Vervaeke imprenable et le Russe (Ignatiev, Ndlr) qui sauve son maillot de justesse. Pour ma part, j'ai craqué à 2 kilomètres de l'arrivée alors que j'étais en route pour une dixième place. Des sensations déjà meilleures sur cette étape qui a fait énormément de dégâts.
La demi-étape du matin, sur le 3ème jour, a été extrêmement rapide aussi. Avec un final normalement dédié aux sprinteurs, l'allure du peloton, malgré la faible pente, a écrémé par l'arrière. Quant à moi les sensations n'étaient pas mieux, mais j'ai surtout fait l'erreur de sortir trop tôt pour me faire reprendre aux 500 mètres.
"J'avais vraiment de mauvaises sensations"
Avant le chrono de l'après-midi, nous étions tous émoussés avec les étapes précédentes. La gestion d'un échauffement est différente par rapport à un contre-la-montre classique. Entre les deux étapes, le but est évidemment de récupérer. Mais attention de ne pas s'endormir sous risque de ne jamais se remettre dedans. Il faut donc rester tranquille dans sa chambre d'hôtel, au frais. L'échauffement est donc beaucoup plus court. Pour ma part c'était juste 25' maximum sur home trainer de manière à raviver les braises. J'étais déçu de mon chrono. J'avais vraiment de mauvaises sensations, je n'arrivais pas à en "remettre" comme l'on dit, à relancer la machine.
"Je visais la victoire d'étape, pour essuyer la déception"
Sur la 5ème et dernière étape, je visais la victoire d'étape. Pour essuyer la déception des derniers jours notamment. Malheureusement, l'échappée dans laquelle j'étais n'a entamé l'ascension finale qu'avec à peine une minute d'avance sur le reste du peloton. J'ai donc monté à mon rythme de façon à faire l'effort le plus régulier possible. En vain, pas de victoire d'étape...
"L'objectif n'est clairement pas atteint !"
Comme je l'ai dit, c'est une déception... L'objectif n'est clairement pas atteint ! La reprise de la compétition après un mois de coupure sur ce Pays de Savoie a fait que je manquais de condition... J'ai énormément donné à l'entraînement et dans l'hygiène de vie pour combler cela. Peut-être même trop... Une petite course par étapes avant m'aurait certainement permis de retrouver le rythme adéquat pour performer au niveau souhaité. La crise d'urticaire contractée 4 jours avant le départ n'y est peut-être pas anodine et m'a beaucoup fatigué dans une période où j'aurais dû, initialement, récupérer.
"C'est dans la défaite que l'on apprend le mieux... "
C'est donc avec une grosse déception que je ressors du Savoie. Mais j'essaye de comprendre ma performance, afin de ne pas reproduire les mêmes erreurs dans le futur. Toute expérience est bonne à prendre. Je suis dans une année d'apprentissage, où j'essaye de trouver la bonne méthode pour être performant malgré l'absence de compétition. Ce Tour des Pays de Savoie est une grosse étape dans cet apprentissage. On dit souvent que c'est dans la défaite que l'on apprend le mieux... J'espère donc en tirer les bénéfices !
"Ce qui me gêne c'est d'être jugé sur une performance qui ne me ressemble pas"
La pression ne me dérange pas, au contraire. C'est un milieu très concurrentiel et il faut faire avec. Un coureur doit apprendre à la gérer. Ce qui me gêne c'est d'être jugé sur une performance qui ne me ressemble pas et que, au contraire, certains suiveurs ont du mal à se souvenir des bonnes performances réalisées plutôt dans l'année et la saison passée. Cette contre-performance risque de me fermer des portes qui étaient entre ouverte avant ce Savoie...
"Tirer les bonnes conclusions afin de rendre cet échec productif pour le futur"
Je sais que je n'évoluais pas à mon niveau sur cette course et contrairement à d'autres coureurs je n'aurais pas les moyens de me racheter. J'ai fait un passage en France sur une seule course et je me devais d'être irréprochable, pour m'assurer la suite de la saison. Cependant, tout miser sur une course, qui plus est après plus d'un mois sans compétition n'est vraiment pas évident à gérer. Ajouté avec des problèmes de santé juste avant le départ, le défi n'était pas facile à relever. Il y a donc des circonstances atténuantes, mais c'est le sport, et tout ne se déroule pas comme on le souhaite malheureusement. Maintenant, à moi d'en tirer les bonnes conclusions afin de rendre cet échec productif pour le futur.
"J'étais très content de retrouver l'équipe de France"
J'étais très content de retrouver l'équipe de France, qui plus est sur les routes de Savoie. Content aussi de recourir avec mon ami Loïc Chetout. Pierre Yves Chatelon comptait sur moi évidemment, notamment pour me tester en vue d'une probable participation au Tour de l'Avenir. L'équipe était composée à moitié de jeunes et l'autre moitié de coureurs plus expérimentés. Elie Gesbert et Norman Latouche étaient les plus jeunes. Elie a réalisé un très beau Savoie, malheureusement Norman a été contraint à l'abandon suite à une mauvaise chute. Jérémy Maison, en Espoirs 3, a réalisé aussi une très belle course. Je ne suis pas surpris, puisque je connaissais ses qualités pour l'avoir déjà côtoyé. Romain Compistrou avait un tempérament offensif, qui nous a vraiment rendu service pendant ces 4 jours. Puis Loïc Chetout était là surtout pour faire du boulot et se tester dans les cols. Chose faite donc et je le remercie pour son aide.
Louis Vervaeke, le vainqueur de ce Tour des Pays de Savoie, est un bon ami. Comme moi, il est très impliqué dans ce qu'il entreprend. Il optimise au maximum et encore plus cette année. Il se donne les moyens de réussir et lorsque ça paye, c'est très plaisant. Il sait d'où viennent ses performances et il est, à juste titre, récompensé.
Les Championnats de France
J'ai mis à profit les quelques jours qui séparent la fin du Savoie au Championnat de France pour récupérer. Mentalement et physiquement. Les sensations sont revenues au fil des jours. Maintenant, je ne vais pas sur les France avec un objectif de résultat. J'y vais pour prendre du plaisir, découvrir ces 250 kilomètres de course.
"J'y vais pour essayer de me régaler"
Le fait d'être tout seul de mon équipe ne me facile pas la tâche évidemment... Mais peu importe, j'y vais pour essayer de me régaler et saisir les opportunités qui peuvent s'offrir à moi. Comme par exemple se glisser dans les échappées. Le parcours ne semble pas non plus me convenir. Mais il n'est pas tout plat et facile pour autant. Ça sera très usant je pense avec les successions de côtes raides. Et puis ce sont les coureurs qui font la course...
"Tout est réuni pour prendre du plaisir et courir l'esprit libéré !"
Le fait de courir avec les grands noms du cyclisme français est forcément motivant. Encore plus lorsque l'on retrouve les copains que j'avais côtoyé les années passées. Tout est réuni pour prendre du plaisir et courir l'esprit libéré ! Au niveau des pronostics, je verrais bien un Tony Gallopin l'emporter. Avec une petite pièce quand même sur Julien Bérard...
Propos recueillis par Alexis ROSE
Les précédents Journaux de Bord de Clément Chevrier : #1, #2, #3, #4, #5, #6.