Chronique - Stephen Roche : «Chaves va faire des dégâts»
Par Cyprien BRICOUT le 24/05/2016 à 07:39
Vidéo - Le 99e Giro d'Italia à suivre sur Cyclism'Actu
La deuxième semaine du Giro d'Italia nous a réservé bien des surprises, à commencer par la prise de pouvoir de Steven Kruijswijk (LottoNL-Jumbo). Pour Cyclism'Actu, le vainqueur de l'édition 1987, Stephen Roche, a tiré les conclusions avant d'aborder une troisième semaine où tout reste possible pour les favoris, Vincenzo Nibali (Astana) et Alejandro Valverde (Movistar), qui n'ont pas été à la hauteur lors des 14e et 15e étapes. L'Irlandais a également accepté d'évoquer les cas de Marcel Kittel (Etixx-Quick Step) et d'André Greipel (Lotto Soudal), qui ont préféré abandonner plutôt que d'essayer de passer la haute montagne pour aller sprinter à Cassano d'Adda ou à Turin.
"Chaves et Kruijswijk m'ont impressionné"
Les contre-performances de Nibali et Valverde m'ont surpris. Mais ce sont plutôt les performances des autres qui m'ont impressioné. Chaves et Kruijswijk sont les révélations de ce Giro. Et à mon avis, ils n'ont pas dit leur dernier mot, au vu des étapes restantes. Je trouve que la course est quand même beaucoup plus ouverte qu'on ne l'aurait imaginée au départ. Tout le monde pensait qu'il y aurait un match entre Nibali et Valverde, car il n'y avait pas beaucoup de têtes d'affiche. Finalement, on retrouve ces deux-là, non pas en défaillance, car ils ne sont pas à la rupture, mais dépassés par les autres. Je pensais que Kruijswijk et Chaves pourraient jouer de belles places, mais je ne les voyais pas à ce niveau-là. Je savais qu'ils avaient les capacités de jouer avec les favoris, mais pas à ce point là, surtout Kruijswijk, qui est un grand gabarit, impressionnant. On l'a d'ailleurs vu faire un super chrono dimanche. Chaves, lui, surprend après le grave accident par lequel il est passé (lors du Trophée Laigueglia 2013, le Colombien avait lourdement chuté, laissant craindre le pire aux observateurs, ndlr). Peu de monde aurait pensé qu'il puisse être là où il est aujourd'hui, à un tel niveau.
"Je vois mal Kruijswijk en rose à Turin"
Selon moi, Kruijswijk va être limité par son équipe. Nibali a une super équipe, c'est ce qui fait sa force. Je vois mal Kruijswijk arriver en rose à l'arrivée à Turin. En revanche, je vois Chaves faire plus de dégâts, car c'est un grimpeur-puncheur. Nibali est un coureur qui ne s'avoue jamais vaincu, donc il va essayer de se relever. D'ailleurs, il n'a jamais vraiment craqué, il n'est juste pas allé assez vite. On a pu penser qu'il allait s'écrouler complètement, mais il ne l'a jamais fait. Valverde est plus dans une situation de crise que lui. Par contre, Nibali ne gagnera pas le Giro s'il n'attaque pas dans les prochaines étapes de montagne. Il va attaquer, mais il risque d'être contré par Chaves ou Kruijswijk.
"La dernière chance pour Valverde"
Je pense qu'une alliance entre Valverde et Nibali n'est pas possible. Je crois plutôt que Nibali peut faire craquer les autres avec son équipe. Ça dépendra aussi de Valverde. Était-ce un jour sans pour lui samedi, ou est-il limité ? C'est sa dernière chance pour montrer quelque chose sur un grand Tour, car habituellement, il roule pour Nairo Quintana. Là, il est le seul et unique leader de l'équipe Movistar. Avec son âge et son expérience, et le soutien de son équipe, c'est une chance inouïe pour lui. Il sait lui-même que s'il fait le Tour, il sera au service de Quintana. Il sait qu'il joue sa dernière carte pour gagner un grand Tour. Il est obligé de tout tenter pour renverser cette situation.
"Greipel et Kittel n'avaient plus leur place sur ce Giro"
Les abandons de Greipel et Kittel sont-ils un manque de respect envers les organisateurs ? On peut retourner la question : mettre une semaine complète de montagne n'est-il pas un manque de respect des organisateurs envers Greipel et les autres sprinteurs ? Parfois, on cherche à rendre la course difficile, en mettant beaucoup de montagne, mais on ne réfléchit qu'au classement général, or les sprinteurs ne jouent pas lee général. Ce sont rarement les plus légers du peloton. Lorsqu'ils doivent monter les cols, ils doivent monter 80-90 kilos de muscles. C'est très difficile pour eux. Ce n'est donc pas un manque de respect selon moi, car il reste encore beaucoup d'étapes de montagne, donc ils n'auraient rien pu faire d'autre que rejoindre le bus à l'arrivée. De toute façon, ils n'avaient rien à faire en dernière semaine, je pense qu'ils n'avaient tout simplement plus leur place sur ce Tour d'Italie.
Propos recueillis par Cyprien Bricout pour Cyclism'Actu.