Mondiaux - Guimard : «La France a un rôle à jouer mais ça sera différent»
Par Nicolas GAUTHIER le 17/09/2022 à 08:00
Le Tour d'Espagne étant terminé et les Championnats du monde s'ouvrant dans quelques jours en Australie, le moment était idéal pour un retour de Cyrille Guimard sur Cyclism'Actu ! Le sacre de Remco Evenepoel (Quick-Step Alpha Vinyl Team) sur La Vuelta, l'énigme Thibaut Pinot (Groupama-FDJ), la sélection de Thomas Voeckler pour les Championnats du monde, avec la présence de Julian Alaphilippe (Quick-Step Alpha Vinyl Team) et l'absence de Benoît Cosnefroy (AG2R Citroën Team)... beaucoup de sujets très intéressant ont été abordés par le Druide... et c'est à retrouver dans votre vidéo !
Vidéo - Cyrille Guimard... après la Vuelta et avant les Mondiaux !
Remco Evenepoel, roi d'Espagne : "Cette victoire est tout à fait logique"
Le voir sur la première marche du podium n'est pas très surprenant. Son parcours depuis l'âge de 17 ans jusqu'à aujourd'hui est tel qu'on pouvait difficilement imaginer qu'il ne gagnerait pas un Grand Tour. Et il est d'ailleurs difficile d'imaginer aujourd'hui qu'il ne va pas en gagner plusieurs. Il confirme tout ce qu'il a démontré depuis l'âge de 17-18 ans lorsqu'il était en Juniors, on ne va pas revenir sur son palmarès qui est certainement le plus riche dans cette catégorie. Cette victoire est donc tout à fait logique, même si on aurait aimé voir un Roglic au combat sur les dernières étapes de montagne.
Evenepoel était toutefois parfaitement serein, il a bien maîtrisé ses passages difficiles, mais cette sérénité est tout à fait normale pusque malgré ses 22 ans, il a déjà l'expérience des plus grandes épreuves mondiales. Après, c'est facile de bien gérer quand on a 50 watts de plus que ses adversaires... Il a aussi des qualités qui lui permettent, même dans les moments difficiles, de maîtriser la situation
Evenepoel sur le Tour en 2023 ? : "Si Evenepoel dit qu'il veut faire le Tour..."
Patrick Lefevere (le manager général de la Quick-Step Alpha Vinyl Team, ndlr) fera en fonction d'un certain nombre de critères (le marketing, son effectif...) mais si Evenepoel dit qu'il veut faire le Tour, je ne suis pas sûr que Lefevere lui réponde 'non, tu vas faire le Tour d'Italie'. Après, Evenepoel peut très bien faire Tour d'Espagne, Tour d'Italie et Tour de France, ça ne me dérange pas. Mais ça, c'est de la com', Lefevere sait faire.
La Quick-Step et Lefevere vont-ils devoir changer de philosophie pour soutenir Evenepoel ? Lefevere aura toujours une certaine tendresse pour les classiques flandriennes, il est Flamand, c'est sa culture, mais quand on commence à parler de victoire sur le Tour de France, le Tour des Flandres devient beaucoup moins important. Gagner le Tour des Flandres, c'est très bien, c'est même une sorte de Graal pour les Flamands, mais si on regarde ce qu'il se passe depuis dimanche, j'ai l'impression que les Flamands, et les Belges en général, ont plus été impressionnés par la victoire d'Evenepoel sur La Vuelta que par celle sur Liège-Bastogne-Liège. S'il gagne quatre fois le Tour de France, on s'en foutra s'il ne gagne jamais le Tour des Flandres, et Patrick Lefevere s'en foutra aussi. Ce n'est pas la même dimension.
La Vuelta et le niveau de Thibaut Pinot : "Je crois qu'il n'a pas retrouvé l'envie"
Comme sur le Tour, Pinot a couru après les victoires d'étape, mais il n'a pas les jambes pour aller les chercher. Il part dans les coups, mais il n'est pas le meilleur de l'échappée. Il n'est pour l'instant pas à la hauteur de ce qu'il a été à une certaine période. Il ne faudrait peut-être pas le dire, mais c'est la réalité, c'est le terrain. Pourquoi ? Je crois qu'il n'a pas retrouvé l'envie, l'esprit guerrier, cette envie de se faire véritablement mal. On a l'impression d'un coureur qui s'ennuie sur son vélo. C'est comme ça que je le ressens et je pense que je ne suis pas le seul. Marc Madiot aura-t-il un rôle psychologique important à jouer pour que ça revienne ? J'ai presque envie de dire non. Je sais un peu comment fonctionne Marc, je pense qu'il a déjà essayé...
Julian Alaphilippe fera les Mondiaux : "Même un Julian diminué reste un coureur dangereux..."
Dans la mesure où il a pu reprendre l'entraînement et retrouvé l'ensemble de ses qualités de pilotage, sa sélection est logique. Même un Julian diminué reste un coureur dangereux qu'il faut absolument marquer, et puis il a toujours un rôle important au sein d'un groupe. C'est quand même le patron de l'équipe de France, il est difficile de prétendre le contraire avec ses deux titres de champion du monde. Il a un rôle important auprès de ses coéquipiers et sur le déroulement de la course, et il ne prend surtout la place de personne puisqu'en tant que champion du monde, il était sélectionné d'office (l'équipe de France aura en effet neuf coureurs au départ, contre huit pour les autres grosses nations, ndlr). Donc pourquoi ne pas l'emmener, même s'il n'est pas à 100% ? On sait que s'il peut donner un coup de main dans n'importe quelle circonstance de la course, il le fera, avec son état d'esprit à lui.
👀 Découvrez la sélection tricolore 🇫🇷 pour les Championnats du Monde route du 18 au 25 Septembre à Wollongong en Australie 🌈 pic.twitter.com/7NZIAolENn
— FFC (@FFCyclisme) September 13, 2022
L'impression laissée par Julian Alaphilippe sur La Vuelta ? : "J'ai trouvé qu'il était très, très bien"
Il est arrivé avec un rôle d'équipier par rapport à Evenepoel, et il l'a parfaitement fait, jouant les capitaines de route. J'ai trouvé qu'il était très, très bien. En allant au bout de La Vuelta, il aurait été à 100%, et ce sans avoir eu la pression de la course. Malheureusement, il y a eu cette petite chute, dont on peut dire qu'elle est quand même liée à un manque de concentration à cet endroit-là puisqu'il tombe tout seul dans un virage dans lequel il n'y avait rien de particulier. Mais avant cela, je l'avais trouvé très bien, et il savait qu'en travaillant pour Evenepoel, il préparait le Championnat du monde.
Benoît Cosnefroy a dit non aux Mondiaux : "Le coureur a le droit aussi de réfléchir..."
Je ne considère pas ça comme un refus. Le coureur a le droit aussi d'avoir une tête, de réfléchir et de savoir ce qui est bon pour lui. On a le droit de pouvoir dire non, même à l'équipe de France. Si les Championnats du monde avaient lieu en Italie, ce serait différent, mais là en Australie... Quand on va à un Mondial, il faut y aller avec une vraie motivation. À partir du moment où il ne l'avait pas dans la tête et où il ne l'avait pas prévu, sa victoire à Québec ne peut pas tout remettre en cause.
Et puis je pense que le système qui était en place depuis 1983 et qui a été remis en place depuis que je ne suis plus à la tête de l'équipe de France (30 juin 2019, ndlr), ça joue. Si on avait conservé le même protocole, on n'aurait pas ce genre de situation aujourd'hui. Quand j'étais à la tête de l'équipe de France, les managers des équipes étaient directement intégrés au système de sélection et étaient responsables de coureurs en sélection. Là, on a repris le système d'avant - parce qu'il déplaisait fortement sur un plan politique - dans lequel les gens qui payent les coureurs n'ont aucune responsabilité. Les vrais patrons des coureurs, ce n'est pas la Fédération, mais ceux qui les payent 12 mois sur 12. Il faut travailler avec ces gens-là. J'ai travaillé pendant deux ans et ça a été formidable. Si on avait fait ça, il n'y aurait pas le problème Cosnefroy, il aurait été réglé avant.
Cyrille Guimard regrette le manque de communication de la FFC pour les Mondiaux
On est à deux semaines d'un Championnat du monde en Australie et pour l'instant, la Fédération n'a encore jamais communiqué sur les Mondiaux. Or, pendant deux ans, on communiquait bien en amont. Aujourd'hui, si vous faites du radio trottoir et si vous demandez aux gens s'ils savent qu'il va y avoir un Championnat du monde en Australie, dites-moi le pourcentage des gens qui vont répondre... Il faudrait peut-être qu'on le vende aussi. J'ai vu des petits bouts de phrase, des petits machins, mais je n'ai pas vu une vraie communication. Il n'y en a pas eu.
L'équipe de France aux Mondiaux : "Tout se jouera autour de Julian Alaphilippe"
Je pense qu'elle a un rôle à jouer, mais ce sera différent des années précédentes, où Alaphilippe était capitaine et leader. Là, ce sera plus difficile, donc il faudra faire une course intelligente. Mais de toute façon, qu'il soit capable de gagner ou pas, tout se jouera, stratégiquement parlant, autour de Julian Alaphilippe. Il sera le fil conducteur, mais d'autres coureurs de cette sélection ont un beau potentiel pour essayer d'être très opportuniste. En face, Tadej Pogacar et Wout Van Aert, c'est quand même plus que sérieux, et puis il faudra surveiller Evenepoel comme l'eau sur le feu.