INTERVIEW - Philip Roodhooft : «Notre mercato ? On a fait des choix...»

 

"Les départs d'Axel Laurance, de Soren Kragh-Andersen... Ce sont des conséquences de nos choix"

Un petit point sur ce début d'année pour votre équipe, avec le septième titre de Mathieu van der Poel en Cyclo-Cross...

Oui, dans le cyclo-cross on est très content de notre saison. Mais évidemment, maintenant, on parle de la route et tout reste à faire, mais on est confiant pour tout ce qui vient.

 

Est-ce que vous pouvez un peu nous parler de votre mercato de cet hiver ? Vous avez perdu notamment Axel Laurance et Sören Kragh Andersen. D'autres jeunes bons coureurs sont arrivés. Quel est votre point de vue sur ce mercato ?

C'est clair, évidemment, on a perdu de très bons coureurs, mais on a juste fait nos choix. On a renouvelé le contrat de Jasper Philipsen, ce qui, évidemment, nous a pris une partie importante de notre budget, plus importante qu'il y a trois ans quand il a signé son contrat précédent, ce qui est logique, c'est normal. On a fait nos choix. Il y a Mathieu qui a renouvelé, il y a Jasper, et puis, pour nous, il était très important de garder Kaden Groves. Les autres, ce sont les conséquences, en fait. Ça ne veut pas dire qu'on n'était pas content de leur saison, mais ce sont juste les conséquences des choix qu'on a fait.

 

Et aussi ce choix, qui est un peu depuis toujours avec l'équipe, de ne pas avoir forcément un gros pôle de grimpeurs. Vous continuez justement avec cette philosophie ? 

Oui, c'est clair. Avec le budget qu'on a, il y a des choix à faire. Cela serait chouette aussi de gagner un Tour de Lombardie ou un Liège-Bastogne-Liège mais pour l'instant, ce n'est pas possible avec l'équipe qu'on a et avec le budget qu'on a. Et on est très content et très satisfait des choix qu'on a fait dans le passé. On trouve que ça nous a apporté pas mal de succès jusqu'à présent. 

 

"Notre saison 2024... Cela va être difficile de faire mieux"

L'année dernière, on se rappelle, bien sûr, des trois victoires sur les trois premiers Monuments. Ça va être difficile de faire mieux cette année ?

Cela va être difficile de faire mieux, ça va être difficile de faire aussi bien, mais je crois que ça ne va pas être le but. On est là pour essayer de gagner des courses. Évidemment, les Monuments sont très importants pour nous, mais on reste très conscient du fait que gagner un Monument, c'est déjà très difficile. On va faire de notre mieux et on verra bien où ça nous porte. Mais je répète, on est confiant. On a confiance dans les coureurs, dans le staff et dans le travail qu'on fait. Mais il y a toujours les autres aussi, il y a les circonstances de la course. On ne va pas dire qu'il faut faire tout ce qu'on a fait l'année passée pour pouvoir parler d'une réussite. Pas du tout.

 

Ce serait quoi une saison réussie ?

On espère gagner au printemps déjà, évidemment. Un Monument, c'est important pour nous. Tout le monde sait que le Tour de France, c'est le Grand Tour le plus important de la saison. Là, on veut aussi gagner une ou deux étapes. Si on y arrive, c'est déjà beaucoup, mais ça ne signifie pas que le Giro n'est pas important, mais c'est difficile. On peut se mettre plein d'objectifs, mais tout commence avec le travail journalier. Ça commence avec une victoire et puis la deuxième. Mais il faut rester humble et essayer de gagner la première fois. Et tout part de là.

Vous avez parlé du Tour, qui est bien sûr la plus grande course de la saison. Mathieu Van Der Poel qui a dit cet hiver que ce n'était pas forcément une course qui le passionnait... mais qu'il se doit quand même de la faire. Il y a eu beaucoup de négociations avec lui ?

Je crois qu'il y a très peu de coureurs qui ne se plaignent pas de tout ce qui se joue autour des étapes du Tour de France. Il y a plein d'attention dans les médias. Tout le monde parle vraiment du Tour, donc je crois que c'est très normal que lui aussi, il vive ça de cette manière. Ce n'est pas que Mathieu Van Der Poel qui dit ça, mais en même temps, tout le monde sait que le Tour est très important. Il a un grand impact et c'est clair que quand le Tour offre des possibilités pour des coureurs  de classiques comme Mathieu, Wout van Aert ou Pedersen, c'est bien pour le Tour et les coureurs sont motivés pour être là au départ. 

 

"Bessèges... Ce n'est pas aux coureurs de prendre ces décisions"

Justement en première semaine, entre Jasper Philipsen et Mathieu van der Poel, il y aura énormément d'opportunités. Déjà de porter le Maillot Jaune pour la première étape, mais ensuite pourquoi pas qu'il passe des épaules de Philipsen à celles de van der Poel avec des étapes pour puncher. C'est vraiment un gros focus sur cette première semaine ?

Le Tour, c'est toujours un grand focus pour nous. Et évidemment, pas seulement la première semaine. Il y a des objectifs comme le maillot vert. Il y a des objectifs de gagner des étapes. L'année passée, on n'a pas gagné au début, mais quand même, ce fut une réussite après. C'est clair que si on parvient à gagner la première étape, on prend aussi le Maillot Jaune. Tout le monde le sait. Nous, on le sait. Nous le savons, mais il y a plein d'autres équipes qui mettront un sprinter pour essayer de gagner la première étape. Il y a plein de candidats et il n'y a qu'une seule équipe qui pourra parler d'une réussite. Pour nous, le Tour ne s'arrêtera pas après la première étape, il y aura plein d'occasions. Et il faut qu'on en prenne au moins une.

 

On pourrait avoir votre avis sur ce qu'il s'est passé à Bessèges ? Votre équipe s'est retirée...

Premièrement, je trouve qu'il ne faut pas remettre ces décisions sur les coureurs, ce n'est pas à eux de prendre ces décisions quand il y a un organisateur, il y a des forces publiques, il y a un jury. Je ne crois pas qu'il faut dire aux équipes, aux coureurs individuels "Faites comme vous voulez, vous continuez ou vous continuez pas" je crois que ce n'est pas correct. Ça leur donne une responsabilité qu'ils ne devraient pas avoir à ce moment là. Et pour nous, il y en a toujours qui disent que c'est trop dangereux, d'autres qui disent que ce n'est pas le cas. C'est aussi difficile quand il y a plein de coureurs qui disent "pour moi c'est trop dangereux" de dire qu'ils doivent continuer. Il y en a aussi qui disent qu'ils n'ont pas l'impression que c'est trop dangereux. On a juste dit aux coureurs que tout le monde pouvait prendre sa décision lui-même. Pour nous, ça ne devait pas forcément être une décision d'équipe, ce qui a résulté en quatre coureurs qui abandonnent et trois qui continuent. Mais je repète, ce concept-là où les coureurs prennent la décision... ce n'est pas logique.

 

Est-ce que vous vous inscrivez un peu dans le contraire de ce qu'ont dit Marc Madiot et Jean-René Bernodeau, comme quoi il y avait des grosses équipes qui ne respectaient pas les organisateurs ?

On respecte chaque organisateur, ça c'est clair, mais si l'organisateur même dit que vous pouvez continuer ou vous pouvez dire qu'on ne continue pas... je trouve qu'à partir de là on crée une situation qui est trop complexe et que ce n'est pas correct. Mais notre respect en tant qu'équipe et en tant que coureurs pour les organisateurs ça n'entre pas dans cette discussion car c'est une évidence.