Chronique - Guimard : «La suspicion ? Ça recommencera l'année prochaine»
C'est l'heure de la dernière chronique de Cyrille Guimard sur le Tour de France 2023 ! Un 110e Tour remporté par Jonas Vingegaard (Jumbo-Visma) devant Tadej Pogacar (UAE Team Emirates), le Slovène ayant craqué durant la troisième semaine et laissé ainsi le champ libre au Danois, lauréat de sa deuxième Grande Boucle consécutive. Et si le Druide a bien évidemment évoqué le désormais double vainqueur du Tour, ainsi que les suspicions dont il a fait l'objet, c'est l'état du cyclisme français qui a le plus interpellé Cyrille Guimard, qui fait le même constat que les années précédentes et ne voit aucune évolution positive. Cet entretien est à voir dans son intégralité ci-dessous.
Vidéo - La Chronique Guimard, le bilan du Tour par "Le Druide"
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— Tour de France™ (@LeTour) July 24, 2023
Une troisième semaine du Tour marquée par la suspicion
C'est un marronnier. La suspicion accompagne les coureurs à chaque kilomètre, sauf que les preuves ne sont jamais apportées. Ça recommencera de la même façon l'année prochaine. Dès que vous gagner, ce n'est pas parce que les autres sont plus faibles, mais parce que vous avez la meilleure équipe médicale ou le meilleur laboratoire pour vous permettre de développer plus de watts. Si c'était aussi simple que ça, il y a des pays qui seraient champions du monde avec des canassons. Le problème, c'est que c'est dans le milieu du cyclisme que la suspicion est lancée.
On ne veut pas reconnaître que les autres sont plus forts, qu'on n'a peut-être pas les moyens technologiques ou scientifiques pour arriver à ce niveau-là, mais aussi qu'on (le cyclisme français, ndlr) n'a peut-être pas les coureurs. Si les autres sont plus forts, il faut se demander pourquoi ils le sont et qu'est-ce qu'on peut faire pour rattraper le retard qu'il y a entre les plus forts et nous. Mais ce n'est pas comme ça qu'on raisonne et c'est bien sûr parce qu'ils sont chargés. Ce serait bien d'arrêter quand même car ce même discours, il a lieu au niveau des cadets, au niveau des juniors. Il faut arrêter ce genre de choses et revenir à des choses beaucoup plus rationnelles et beaucoup plus intelligentes. Un peu moins de paranoïa ne ferait pas de mal.
Le cyclisme français stagne : "On est à notre place"
Je vais redire la même chose que l'an dernier, la même chose qu'il y a deux ans, la même chose qu'il y a trois ans... on est à notre place, il n'y a pas de surprise. La raison ? Tout commence à la base, tout commence avant 15 ans. C'est là où on n'est pas performant et c'est là où on ne fait pas les choses qu'il faut faire. La chance aujourd'hui, c'est que les équipes pallient un certain nombre de manques au niveau fédéral avec les Conti. En prenant des coureurs au niveau Juniors, elles peuvent réduire, masquer voire compenser ce qui n'a pas été fait dans le développement des athlètes dans les catégories jeunes.
Dès qu'on commence à augmenter les charges d'entraînement d'un jeune, tout le monde vous dit que vous allez le cramer. Mais c'est le contraire. C'est en ne développant pas certaines qualités à un certain âge que l'on crame un sportif. Ce n'est pas en l'entraînant plus qu'on le crame, mais en ne l'entraînant pas assez. Et puis est-ce que quelqu'un qui a du talent vient dans le vélo aujourd'hui ? Est-ce qu'on leur donne envie de faire du vélo, crée-t-on le désir ? Non, et il suffit de regarder le nombre de liciencés dans chaque catégorie. On ne donne pas envie. Et puis, il faut bien sûr des qualités génétiques. La relève ? C'est très bien ce que réalisent Lenny Martinez et Romain Grégoire par exemple, mais au même âge, il y a aussi bien à l'étranger, voire mieux. La concurrence va être telle maintenant qu'on se demande à quel niveau ils vont se situer.
Les équipes françaises confrontées à des obstacles
On a un modèle économique en France qui ne permet pas d'avoir de grandes équipes. On a appliqué pour les équipes cyclistes, c'est à dire là où c'est du sponsoring et où on n'est pas dans le rationnel, un modèle qui dit que vous avez un budget et que vous ne pouvez pas sortir de celui-ci. Si une équipe française dit à un sponsor : "on a deux petits jeunes de 18 ans qui sont forts, mais il va falloir mettre le chèque", on va lui répondre : "ah mais non, on ne peut pas, vous avez votre budget et on ne le dépasse pas". Conséquence, ils vont partir et après on s'aperçoit que ce sont ceux qui gagnent le Tour de France. De plus, une équipe française avec le même budget qu'une équipe étrangère n'a pas les mêmes moyens puisqu'un coureur que vous payez 100 vous en coûte 200 lorsqu'on ajoute les charges. Ce sont des choses qu'il faut savoir.