Rétro Classiques - Les «Cloches de Pâques», piégées à Liège-Bastogne-Liège
Nous voici, déjà, arrivés au dernier épisode de Rétro Classiques ! Vous avez été très nombreux à nous suivre dans notre rétrospective des moments inoubliables que seules les grandes classiques peuvent nous offrir. Merci pour votre fidélité et ce, depuis le premier épisode couvrant l'Omloop Het Nieuwsblad. Pour cette dernière, place à La Doyenne ! L'édition la plus marquante est sans aucun doute celle de 1980, disputée sous la neige dans des conditions apocalyptiques et qui voyait Bernard Hinault (Renault - Elf - Gitane) l'emporter, près de 10 minutes devant son plus proche poursuivant Hennie Kuiper (Peugeot - Esso - Michelin) et où seulement 21 coureurs avaient rallié l'arrivée. Mais nous avons décidé de vous faire revivre une autre édition. En effet, tous les fans de vélo ont déjà entendu parler à maintes reprises de ce Liège-Bastogne-Liège hivernal. Et puis, nous avions déjà évoqué Le Blaireau et son mental de guerrier à l'occasion de l'épisode sur Paris-Roubaix. Retour dans le temps pour s'arrêter en 1987, plus exactement le 19 avril, jour du dimanche de Pâques.
Vidéo - Pogacar, son retour sur route à Liège, et un nouveau solo ?
Moreno Argentin en épouvantail au départ
Double tenant du titre, le coureur italien Moreno Argentin (Gewiss - Bianchi), maillot arc-en-ciel sur les épaules, vise le triplé sur sa course préférée et est le grand favori au départ. Parmi les coureurs régulièrement cités, on retrouve également le régional de l'étape, Claudy Criquielion (Hitachi - Marc) qui rêve d'inscrire Liège-Bastogne-Liège à son palmarès. Il a réalisé trois top 10 de suite - 7e en 1984, 2e en 1985 et 4e en 1986 - et le public belge espère que cette fois-ci, ce sera la bonne. Pour ce faire, il faudra se débarrasser également de Laurent Fignon (Système U) et de ses coéquipiers, les frères Yvon et Marc Madiot, ainsi que du duo irlandais Stephen Roche (Carrera Jeans - Vagabond) et Sean Kelly (Kas - Miko), déjà vainqueur en 1984. On peut également citer le trio néerlandais Adrie van der Poel (PDM - GIN MG - Ultima - Concorde), 2e l'année précédente, et son équipier Gert-Jan Theunisse ainsi que Joop Zoetemelk (Superconfex - Kwantum - Yoko). Les prétendants sont donc nombreux sur la ligne de départ, où l'on s'attend à une épreuve disputée.
Moreno Argentin of Italy won Liege Bastogne Liege four times in 1985, 1986, 1987 & 1991. Here shadowed by Criqueilion and Roche. pic.twitter.com/E5gr019JdI
— The World of Cycling (@twocGAME) April 20, 2023
Un coup de poker, un coup dans l'eau
La course s'animera une première fois dans la mythique Côte de la Redoute. Un quatuor se dégage avec le grand favori Argentin, flanqué de Criquielion, Roche et Theunisse. Ils seront rapidement revus par le groupe de poursuivants, mais cela permet aux suiveurs d'identifier les hommes forts du jour. La décision semble se faire un peu plus tard, dans la Côte des Forges. Criquielion sait qu'il sera battu au sprint par Argentin et tente donc d'anticiper en décrochant l'Italien. Et surprise ! Il y parvient. Seul Roche parvient à rester dans sa roue. Le duo de tête s'entend parfaitement. Ils savent tous les deux qu'il est dans leur intérêt de creuser l'écart afin d'éliminer totalement Argentin de l'équation. Malgré quelques escarmouches, les deux hommes parviennent à collaborer efficacement et entrent dans Liège avec une avance confortable sur leurs poursuivants.
L'incroyable final de Liège-Bastogne-Liège 1987 🤩
— Miroir du Cyclisme (@Miroir2Cyclisme) December 22, 2019
The incredible final of 1987 Liège-Bastogne-Liège 🤩
Claude Criquielion, Stephen Roche, Moreno Argentin, Robert Millar, Yvon Madiot, Laurent Fignon,..#LBL #LBL1987
Commentaire: Daniel Pautrat pic.twitter.com/SaTaZQL2CK
Et là, c'est le coup de théâtre. Les deux candidats à la victoire entament une partie de surplace. Personne ne veut lancer le sprint. "Nous n’étions pas spécialistes du sprint et j’avais pleinement conscience, comme Claudy, que si j’emmenais l’emballage final, j’étais battu. Nous l’avons joué à l’influence, mais aucun de nous n’a craqué" a déclaré Stephen Roche quelques années plus tard, dans une interview reprise sur le site de la RTBF. Mauvaise communication ou mauvaises informations, on ne le saura jamais vraiment. Mais les deux hommes sont totalement surpris de voir revenir sur eux leurs trois poursuivants, dont le champion du monde. "Lorsque j’ai vu Argentin nous doubler, j’étais totalement anéanti…" continue Roche. Le triplé de l'Italien était devenu inévitable, il règle facilement le sprint du petit groupe et signe le triplé dans les rues de la Cité Ardente. Criquielion et Roche n'ont que leurs yeux pour pleurer et les journalistes de l'époque ne sont pas tendres avec eux. L'un des quotidiens de l'époque titrant même "Les cloches de Pâques" en Une, en référence aux deux coureurs qui se sont avoir comme des bleus.