Paris-Roubaix - Mangeas : «Une course qui ne laisse pas indifférent»
Oh, que cela fait du bien de retrouver notre chroniqueur, tellement occupé, Daniel Mangeas... il ne vous avait pas manqué, vous ? Le Tour des Flandres est désormais derrière nous, Tadej Pogacar (UAE Team Emirates) est un peu plus rentré dans l'Histoire de son sport... place maintenant à l'autre grand Monument pavé, Paris-Roubaix ! À quelques jours de la 120e édition de l'Enfer du Nord, Cyclism'Actu a évoqué cette course mythique avec l'un des historiens du cyclisme en France : Daniel Mangeas ! Avec ses 41 Paris-Roubaix au compteur, l'ancien speaker du Tour de France est extrêmement bien placé pour vous conter la petite histoire de cette épreuve emblématique du calendrier, ainsi que mettre en avant les moments et les personnages qui ont rendu cette course légendaire. Sans oublier de livrer son pronostic sur cette édition 2023 qui promet énormément...
Vidéo - Paris-Roubaix, c'est dimanche... Daniel Mangeas se souvient
👀 What comes first to your mind?
— Paris-Roubaix (@parisroubaix) February 27, 2023
👀 A quoi pensez-vous en voyant ces pavés ?#ParisRoubaix pic.twitter.com/9XkCfgJDR7
"On dit toujours que tout coureur qui termine Paris-Roubaix est un héros"
Paris-Roubaix... qu'est-ce que cette course évoque dans l'esprit de Daniel Mangeas ?
Ça m'évoque mes débuts, à l'époque de Francesco Moser, Roger De Vlaeminck, Marc Demeyer, Hennie Kuiper et quelques autres. J'ai un sentiment particulier quand je pense à Paris-Roubaix puisque c'est peut-être la seule course où deux à trois jours avant l'évènement, voire une semaine, il y a une sorte de stress qui se transmet et qui atteint les coureurs, mais qui nous atteint aussi nous, qui ne sommes pas des acteurs, mais simplement des suiveurs ou des commentateurs. On sait qu'il y a un enjeu, c'est un rendez-vous important de la saison et que le coureur ne veut pas rater.
Paris-Roubaix, ça m'évoque aussi Bernard Hinault en 1981 avec le maillot de champion du monde sur les épaules. Sous les yeux de Louison Bobet et alors qu'il tombe à cause d'un chien près de l'arrivée, il va gagner Paris-Roubaix, une course qu'il détestait mais qu'il souhaitait mettre à son palmarès, comme tous les grands champions. Je pense également à Andrea Tafi, à Franco Ballerini, et bien évidemment à Gilbert Duclos-Lassalle qui, dès le printemps de sa carrière, voulait gagner Paris-Roubaix, mais c'est à l'automne de celle-ci qu'il l'a finalement gagné, et deux fois s'il vous plaît. Je me souviens de l'ambiance sur le vélodrome lors de ses victoires, tout le public, pourtant composé majoritairement de spectateurs venus de Belgique, scandant son nom en rythme, comme le nom de Marc Madiot avait été scandé lors des succès de ce dernier. Ce sont des choses qui vous donnent des frissons et que vous n'oubliez jamais.
Et ce qui est beau avec Paris-Roubaix, c'est qu'un coureur est toujours fier de finir cette épreuve, et ce quel que soit son classement.
On dit toujours que tout coureur qui termine Paris-Roubaix est un héros, et en disant cela, j'ai une pensée pour Philippe Crépel, un ancien champion décédé il y a quelques jours et qui avait conclu Paris-Roubaix en dernière position (en 1968, ndlr). Malgré le fait d'avoir réalisé d'autres performances lors de sa carrière, il considérait, à juste titre, qu'avoir fini Paris-Roubaix lui permettait d'entrer dans le cercle restreint de ceux qui avaient réalisé cette performance. C'est quelque chose qui vous marque. Paris-Roubaix, ça peut être à la fois un formidable rêve et un cauchemar, c'est une course qui ne laisse pas indifférent.
Si vous deviez choisir un grand moment survenu sur Paris-Roubaix, quel serait-il ?
Je vais en donner deux. Tout d'abord, je choisis la victoire de Bernard Hinault, qui entre en tête sur le vélodrome de Roubaix et qui réussit à contenir des adversaires - Francesco Moser, Roger De Vlaeminck et autres - qui n'étaient pas les premiers venus. Et il y a la première victoire de Gilbert Duclos-Lassalle, avec cette clameur qui l'accompagnait sur le tour de piste. Il y avait une telle communion entre le champion et le public, c'était exceptionnel. Cette ambiance est restée dans mes veines et dans mon esprit.
La particularité de Paris-Roubaix également, c'est que c'est une course qui peut nous offrir de grandes surprises, à l'image des victoires de Matthew Hayman en 2016 ou encore Johan Van Summeren en 2011.
Oui, tout à fait. Je me souviens d'une longue échappée en 1988, avec deux coureurs qui avaient animé la course : le futur vainqueur Dirk Demol et un coureur sculptural venu de Suisse, Thomas Wegmuller, qui allait prendre la deuxième place. Ils étaient presque dans le lot des anonymes au départ, mais ils ont su saisir leur chance ce jour-là et aller chercher les première et deuxième places. Pourquoi plus de surprises sur Paris-Roubaix que sur le Tour des Flandres ? Je crois que la malchance est plus présente sur les pavés de Paris-Roubaix que sur les monts du Tour des Flandres. Beaucoup de paramètres interviennent et peuvent décider du sort de la course. Après, quand on regarde bien le palmarès, on peut tout de même voir que les favoris se sont souvent imposés ou ont joué les premiers rôles.
ðŸ Pour sa dernière participation en 1981, De Vlaeminck doit batailler face à la nouvelle génération portée par 🇫🇷 Bernard Hinault !
— Paris-Roubaix (@parisroubaix) April 13, 2022
Le Gitan frôle une nouvelle fois un 5e sacre sur #ParisRoubaix, mais doit se contenter de la 2e place derrière « le Blaireau ». ⤵ pic.twitter.com/wr8G1e6399
"Je pense que c'est une course qui pourrait s'offrir un jour à Arnaud Démare'
Tour des Flandres ou Paris-Roubaix : quelle est la plus belle selon Daniel Mangeas ?
Comme moi, les Français diront Paris-Roubaix, alors que les Belges vont dire le Tour des Flandres. Il y a cette frontière. Elles sont différentes, mais ce sont deux courses absolument exceptionnelles et qui tiennent le public en haleine, qu'il soit belge ou français. Elles se dégagent par rapport à beaucoup d'autres.
Et qui est le coureur emblématique de Paris-Roubaix, celui qui représente le mieux cette course ?
Je vais en mettre deux. Je suis peut-être prisonnier de ma génération, mais je vais dire Roger De Vlaeminck et Francesco Moser. Ce sont les noms qui me viennent spontanément.
Frédéric Guesdon est le dernier vainqueur français de Paris-Roubaix, c'était en 1997. Qui pourrait succéder au Breton ?
Je pense que c'est une course qui pourrait s'offrir un jour à Arnaud Démare, je me dis que ce n'est pas impossible de le voir vainqueur. Adrien Petit - qui a déjà fait 6e, 9e et 10e - est également un coureur capable de briller sur Paris-Roubaix, tout comme Florian Sénéchal. Concernant la jeune voire très jeune génération, je pense à des garçons comme Clément Davy, Paul Penhoët ou Eddy Le Huitouze.
Pour finir, quel est votre pronostic pour Paris-Roubaix 2023 ?
Je vais prendre un énorme risque... et dire Wout Van Aert ou Mathieu van der Poel (rires). Ils sont vraiment très, très forts et ils vont avoir une motivation énorme pour aller chercher la victoire. Ils seront les grands favoris, leurs adversaires vont devoir les mettre en échec et ça ne sera pas une partie facile. Van Aert ou Van der Poel ? Je vais dire Mathieu van der Poel. Il en a le potentiel et l'envie. Évidemment, Wout Van Aert a aussi cela, mais je mettrais quand même une petite pièce sur Mathieu van der Poel.