Journal de Bord - Boudat : «Comme une libération !»
Par Alexis ROSE le 06/03/2014 à 19:00
Thomas Boudat, 20 ans et déjà Champion du Monde ! Samedi du côté de Cali, en Colombie, le coureur du Vendée U, qui tient un Journal de Bord sur Cyclism'Actu pendant toute la saison, a décroché le titre mondial sur l’omnium, une discipline qu'il ne découvre que ! En effet, Thomas a choisi de s'orienter vers l'omnium il y a seulement quelques mois, au début de la saison sur piste. Après avoir réalisé "seulement" une saison de Coupe du Monde dans cette discipline, Thomas est déjà devenu le nouveau maître de l'omnium ! Il a même déjà fait mieux que son prédécesseur, Bryan Coquard, puisqu'il est devenu le premier Français à devenir Champion du Monde de cette épreuve olympique. Avant les Mondiaux, Thomas nous avouait qu'une médaille serait déjà une belle récompense. Au final, c'est bien plus qu'une récompense qu'il est allé chercher à Cali ! Il a tout simplement réalisé un de ses rêves, qu'il jugeait presque impossible ! Dans ce 5ème Journal de Bord, Thomas Boudat revient, pour nous, sur ce Championnat du Monde, qui restera sûrement gravé à jamais dans sa mémoire. Dans un premier temps, il revient sur le déroulement de chaque épreuve de cet omnium. Il nous explique comment celles-ci se sont déroulées et quel était son sentiment après chacune d'entres elles. Il nous fait ensuite vivre son rêve de l'intérieur. Et pour finir, il nous parle du groupe France, qui a terminé au deuxième rang du classement général de ces Championnats du Monde sur piste 2014.
L'omnium victorieux, épreuve après épreuve !
Mon omnium s'est bien déroulé dans l'ensemble. Je l'ai, comme d'habitude, mal entamé... Je me suis classé 10ème de la première épreuve, le tour lancé. Cela ne m'a pas affecté mentalement car je savais que j'allais perdre des points sur cette épreuve... Du coup, j'ai fait abstraction de cela. Je n'ai plus pensé à ces 10 points pris d'entrée et je me suis concentré sur ce qu'il me restait à faire.
"La course aux points, une grosse satisfaction"
J'ai ensuite gagné la course aux points. Ce fut une grosse satisfaction car j'ai vraiment su rester calme dans la première partie de la course. J'ai réussi à ne pas faire d'efforts superflus. Cette course m'a fait du bien car cela faisait un moment que je n'avais pas gagné une course aux points au niveau international ! En plus de cette victoire, mes adversaires direct pour le classement général n'ont pas fait une superbe course et ont perdu beaucoup de points par rapport à moi. Ceci m'a permis de revenir dans les premiers du général.
Pour finir cette première journée, j'ai remporté l'élimination. Comme toujours, remporter l'élimination est un privilège pour le coureur d'omnium ! C'est une épreuve que l'on vit avec le public car elle est très stressante, rapide, spectaculaire. Le public aime ça. Quand je me suis retrouvé sur la ligne opposée et que j'ai vu qu'Aaron Gate avait baissé les armes, j'ai savouré mon dernier tour de piste avec le public ! Ici, en Colombie, les gens aiment beaucoup le vélo. Ils sont connaisseurs. C'était fantastique d'être acclamé par l'ensemble des spectateurs.
"Être leader à la mi-course, un énorme poids en moins"
À l'issue de la première journée, je vire donc en première position avec 12 points. Jamais je n'aurai pu penser que cela arriverait... J'étais leader à la mi-course du Championnat du Monde ! Pour moi cela était déjà un énorme poids en moins. D'habitude je me retrouvais toujours avec des points à rattraper et là je n'avais plus qu'à tout donner sur la deuxième journée, pour ne rien regretter.
Le lendemain, ma poursuite ne s'est pas forcément déroulée comme je le souhaitais... En effet je pensais faire un meilleur temps que celui que j'ai fait. Mais il y avait beaucoup de vent et je n'ai pas su rester concentré sur mon effort.
"Le moment ou jamais"
Déçu, je me suis remotivé pour le scratch. Je termine 2ème derrière Ed Clancy. Cela m'a permis de reprendre des points sur mes adversaires pour le podium. Lorsque j'ai vu le classement général après le scratch je me suis dit : maintenant tu vas aller te battre jusqu'au bout, il faut que tu n'aies rien à regretter, tu es idéalement placé, arrache tout ! Je ne pensais pas au titre, je voulais simplement tout donner ! Le staff a su me faire décompresser entre les 2 épreuves pour pas que je gaspille trop d'énergie. C'est seulement quand je suis monté sur ma machine et que je me suis retrouvé devant le décompte que je me suis dit que c'était le moment ou jamais ! Je me suis vraiment rendu compte que je jouais le titre, à cet instant-là.
"Quand j'ai vu le 1 apparaître je me suis dit : tu l'as fait, tu as réalisé ton rêve !"
À la fin de mon kilo' je n'osais même pas regarder l'écran d'affichage. Au début j'ai vu mon temps, ensuite ma place sur le kilo et pour finir j'ai regardé ce fameux "overall rank". Quand j'ai vu le 1 apparaître je me suis dit : tu l'as fait, tu as éalisé ton rêve ! J'étais fou ! J'y croyais pas ! J'ai vu ma mère sur le bord du vélodrome qui me tendait un drapeau. J'ai croisé son regard, c'était tout simplement magique ! Ensuite, je suis descendu du vélo et j'ai vu tous les journalistes qui sont arrivés devant moi. J'ai profité de chaque instant qui s'écoulait. Tout le monde venait me féliciter.
"Je n'arrive toujours pas à réaliser que je suis Champion du Monde"
Bien qu'étant en tête à la mi-course, je savais que rien n'était encore fait. Il restait encore beaucoup de chemin à faire avant de pouvoir penser au titre. Je ne voulais même pas penser au maillot, tout simplement pour ne pas perdre trop d'énergie. J'ai pensé avant tout à optimiser la récupération.
D'ailleurs, j'ai une petite anecdote à ce sujet. En sortant de la piste après mon élimination, on a voulu prendre un taxi pour rentrer à l'hôtel. Le petit soucis c'était que tout le monde voulait rentrer en même temps car c'était la dernière épreuve du jour et toutes les nations rentraient. Du coup, pour rentrer plus tôt je suis allé demander à un commandant de police s'il ne pouvait pas demander à l'un de ses agents de nous conduire rapidement à l'hôtel, car il était déjà tard. Aussitôt dit, il alla chercher deux policiers et on est rentré en mode "Cali by night" à l'hôtel. Il y a des jours comme ça, où tout se déroule à merveille et là c'était les cas !
"Sur l'omnium, le plus dur c'est d'être motiver à chaque épreuve"
L'omnium est une discipline où les épreuves s'enchaînent pas mal, mais avec la route on s'habitue à enchaîner les courses les unes après les autres. Le plus dur c'est d'être à chaque fois motiver comme si l'on n'avait pas encore couru, tout en ne laissant pas trop de jus entre les épreuves. Souvent nous n'avons pas trop de temps entre les épreuves. Du coup, entre le temps de recup', le temps de se changer, de s'étirer ... on fait vite passer le temps. Après si c'est vraiment long on rentre à l'hôtel pour se reposer et sortir un peu du contexte.
"Je n'ai jamais pensé que le titre était jouable"
Je n'ai jamais pensé que le titre était jouable. C'était dans un coin de ma tête, mais je ne voulais pas trop y penser pour ne pas être trop stressé. C'est sûr qu'avant le kilomètre, je savais que j'allais jouer une médaille, mais je ne savais pas laquelle. Je n'arrive toujours pas à réaliser que je suis Champion du Monde, alors je ne risquais pas de m'imaginer Champion du Monde avant la fin de la course. D'autant plus que j'étais un peu maudit par les Championnats du Monde ... avant.
"Un moment incroyable, magique !"
Pendant la Marseillaise je pensais à tous les gens qui m'ont aidé dans ma progression, dans les bons comme dans les mauvais moments. Et surtout dans les mauvais moments je dirai. Je repensais à mes premiers moments de vélo, le chemin qu'il y avait eu depuis tout ce temps... C'était comme une libération ! C'était un moment incroyable, je vivais un rêve !
"Cela faisait partie de mes rêves"
Déjà, j'avais eu un super cadeau d'anniversaire par tous les membres de l'équipe de France, mais là, je ne pouvais pas rêver mieux ! Au fond de moi, cela faisait partie de mes rêves. Mais je ne me suis jamais dit : tu es capable de le faire. Je travaillais pour, mais je ne savais pas jusqu'où je pouvais aller. Je ne réalise pas du tout ce que j'ai fait. Je pense que je vais réaliser quand je recevrai mon paquetage avec les liserés et que je porterai ce maillot en course pour la première fois. Tout est allé tellement vite que c'est difficile de réaliser. C'est une fierté de devenir le premier Français médaillé d'or sur un Championnat du Monde d'omnium d'autant plus que mon prédécesseur était Bryan Coquard !
"Je n'y croyais pas, j'étais à deux doigts de pleurer"
Quand j'ai vu le maillot approcher et que je me suis regardé dans le grand écran avec je n'y croyais pas ! J'étais à deux doigts de pleurer, d'autant plus que les autres ont chanté la Marseillaise aussi. Je ne trouve même pas les mots tellement c'était magique.
"Mon titre va faire changer ma vie, je veux faire partie de l'équipe Europcar"
Je pense que mon titre va faire changer quelque chose dans ma vie. Je l'espère d'ailleurs. J'ai envie de continuer ma progression et notamment de pouvoir faire partie de l'équipe Europcar un jour ! Pour l'instant, je suis très sollicité par les médias, mais c'est normal, la nouvelle est toute fraîche. Je suis encore jeune c'est vrai, mais bon, tout cela ne me dérange pas, bien au contraire ! C'est bien qu'il y ait une reconnaissance aussi. C'est bien que notre sport soit mis en valeur.
Le groupe France et l'Américaine
C'est sûr qu'en tant que "petit nouveau" dans l'équipe de France, j'ai beaucoup de chance de pouvoir côtoyer de grands champions comme Greg' Baugé ou François Pervis. Ils ont tout gagné ou presque déjà ! Forcément leurs conseils sont précieux dans l'optimisation de la performance. En plus de cela, cette année François a créé une dynamique avec tous ses résultats. Du coup, on veut tous bien faire et ça nous tire tous vers le haut !
Avant mon kilomètre, François m'a glissé quelques conseils tout bête, mais c'est ça qui fait la différence.
"L'Américaine a un peu gâché la fête..."
Pour parler de l'Américaine, je dois avouer que je suis déçu. Déçu pour moi, mais aussi pour Vivien Brisse... J'aurai aimé qu'on finisse ce Championnat du Monde sur une bonne note. J'avoue, ça a un peu gâché la fête quand même... Mais bon on ne peut pas gagner tout le temps ! On reviendra l'année prochaine !
"Ce titre, c'est aussi leur victoire !"
Je tenais à remercier tous les gens qui m'ont aidé dans cette aventure : ma famille, mes amis, le staff de l'équipe de France, le Vendée U, mes entraîneurs du pôle de Talence, le club de Langon et toutes les autres personnes que je ne peux pas citer. Ce titre, c'est aussi leur victoire !
Propos recueillis par Alexis ROSE
Les précédents Journaux de Bord de Thomas Boudat : #1, #2, #3, #4.
N.B. : Si vous avez des questions à lui poser, n'hésitez pas à poster des commentaires dans le formulaire ci-dessous. Thomas répondra à toutes les questions dans les prochains Journaux de bord.