ITW/Le Mag - Emmanuel Hubert : «Il y a des places de leader à prendre...»
Par Nicolas GAUTHIER le 19/12/2022 à 13:33
Manager général de la Team Arkéa-Samsic, Emmanuel Hubert a accordé une interview à Cyclism'Actu samedi 10 décembre. À la veille de la journée des supporters et de partir en stage en Espagne avec l'ensemble des coureurs et du staff, le Breton s'est notamment confié sur la très belle saison 2022 réalisée par sa formation et qui s'est soldée par une accession - officialisée depuis par l'Union Cycliste Internationale (UCI) - en WorldTour. Outre revenir sur les performances des Warren Barguil, Matîs Louvel et autre Kévin Vauquelin, le natif de Saint-Malo (51 ans) a également évoqué les aspects bien plus négatifs de 2022, à savoir l'affaire Nairo Quintana et la grave blessure de Nacer Bouhanni, mais aussi parlé des principales recrues pour 2023 et de l'exercice qui va s'ouvrir dans quelques semaines. Entretien.
Vidéo - Emmanuel Hubert, le manager général d'Arkéa-Samsic !
Vous étiez 2000 à notre ð—ð—¼ð˜‚ð—¿ð—»ð—²Ìð—² ð—±ð—²ð˜€ ð—¦ð˜‚ð—½ð—½ð—¼ð—¿ð˜ð—²ð—¿ð˜€ ! 🥳
— Team Arkéa Samsic (@Arkea_Samsic) December 12, 2022
Retour en images sur notre évènement phare de cette fin d'année 2022 qui avait une saveur particulière 👇 pic.twitter.com/itFHVslMvf
"Il y a de bonnes et de belles choses qui se sont créées pour Arkéa-Samsic en 2022"
Emmanuel Hubert, quel bilan faites-vous de cette saison 2022 qui restera dans l'histoire de votre formation ?
Le bilan est bon, que ce soit sur le plan sportif, mais aussi sur le plan humain. Et puis il y a cette accession au WorldTour qui est forcément très satisfaisante. Après, comme je dis toujours, ça n'est pas une fin en soi. Le but du jeu, ce n'est pas d'y être, c'est d'y rester et de bien exister. Pour revenir à 2022, ce que je retiens, c'est la belle victoire de Warren (Barguil) à Tirreno-Adriatico, même si toutes les victoires sont belles. Il y a de bonnes et de belles choses qui se sont créées pour Arkéa-Samsic en 2022.
Pour votre équipe et votre structure, qu'est-ce que va changer cette montée en WorldTour ?
On va faire toutes les courses qui concernent la Ligue des champions, si on compare ça à un sport comme le foot. Après, notre programme 2023 aura beaucoup de similitudes avec celui qui était le nôtre en 2022, sauf qu'on fera les trois Grands Tours alors qu'on n'en a fait que deux cette saison. Au niveau de notre structure, ça ne va pas vraiment changer grand chose non plus, on était déjà équipé en nombre de coureurs et en personnel. On va se retrouver en 2023 avec environ 105 salariés au sein de l'équipe Arkéa-Samsic. On est une vraie PME, une vraie entreprise.
"On ne connaît pas le bout du bout avec Matîs Louvel..."
Lorsque vous avez recruté Warren Barguil en 2018, c'était vraiment un coureur de courses par étapes, mais on a l'impression désormais qu'il a basculé et est devenu plutôt spécialiste des courses d'un jour lorsqu'on regarde ses résultats ?
Oui, il bascule gentiment, c'est le leitmotiv de son année, mais il n'oublie pas les courses par étapes pour autant. L'appétit vient en mangeant, et il faut surtout que ça reste un jeu pour Warren, que ça soit ludique. Sur les courses d'un jour, il a vraiment les moyens physiques et mentaux pour s'exprimer, mais on n'a pas dit notre dernier mot sur les classements généraux et Warren en a parfaitement conscience. On peut le voir réapparaître.
À 23 ans, Matîs Louvel a fait un top 20 sur le Tour des Flandres (17e) et un top 20 sur Paris-Roubaix (15e) en 2022, mais aussi fait une grosse démonstration sur la Course des raisins en fin de saison. Jusqu'où le voyez-vous aller ?
On ne connaît pas le bout du bout avec Matîs et je pense qu'on aura encore de très, très belles surprises avec lui en 2023. Il est physiquement très fort, avec un mental forgé pour toutes ces courses flandriennes, même si on sait qu'il faut aussi une petite part de chance sur ces épreuves. En tout cas, s'il y a bien quelque chose qui va bien chez lui, c'est son physique.
"Kévin Vauquelin a toutes les capacités pour être le grand coureur français de Grand Tour"
Et vous attendiez-vous à voir Kévin Vauquelin à ce niveau dès cette année ?
Kévin, c'est une très belle surprise. On connaissait sa faculté à savoir rouler très vite, on l'avait vu sur la piste et les contre-la-montre, mais on s'aperçoit aussi maintenant qu'il passe bien les bosses, et même certains cols. Il faut que Kévin continue à pratiquer ce qu'il sait faire, à savoir le contre-la-montre, et qu'il devienne encore meilleur sur les montées, et on ne sera alors pas à l'abri d'avoir de très belles surprises avec lui sur des courses par étapes comme Paris-Nice. Rien n'est encore acquis, c'est une certitude, mais il a tous les moyens physiques pour réaliser une très, très belle carrière. La haute montagne ? Ça ne me fait pas peur, et à lui non plus d'ailleurs.
Le futur grand coureur français de Grand Tour, c'est peut-être Kévin Vauquelin alors ?
Je ne sais pas, mais ce qui est sûr, c'est qu'il a toutes les capacités pour le faire et le devenir. Mais pour cela, il faut du travail, du travail et encore du travail, ainsi qu'une part de chance aussi. Si Kévin travaille et respecte le plan de carrière de trois années qu'on a établi avec lui, il a de réelles capacités pour faire cela.
"Nacer Bouhanni sera dans le match en 2023, c'est une certitude"
La saison 2022 a été très positive pour Arkéa-Samsic, mais il y aussi quelques points noirs, à commencer par le cas Nairo Quintana. Qu'est-ce que vous retenez de son passage au sein de votre équipe ?
La page est tournée, on a fait ce qu'il fallait faire en toute intelligence, mais il faut toujours tirer quelque chose de positif et d'essayer de voir les points qui ont été. Il a pu transmettre certaines données à de jeunes coureurs pour leur apprendre l'approche du métier. Mais maintenant, comme je le disais, la page est tournée et place à ces jeunes et à la nouvelle ère Arkéa-Samsic.
L'autre point noir de 2022, mais pour tout autre chose, c'est Nacer Bouhanni, qui a été victime d'une terrible chute en avril au Tour de Turquie et qui a vu sa saison se terminer à ce moment-là...
C'est un gros dommage au niveau des satisfactions. Nacer, c'est quelqu'un que j'apprécie énormément car il sait ce qu'il veut, et j'ai donc toute confiance en lui pour 2023. Même s'il aura peut-être un peu d'appréhension au départ, je sais qu'il va être performant, je sais qu'il va recouvrir toutes ses facultés, et je pense que Nacer Bouhanni existera de nouveau en 2023. C'est un amoureux du maillot, un amoureux de son sport, et puis c'est un gagneur. Il sera dans le match, c'est une certitude. Il va démarrer le début de saison en bonne et dûe forme, avec toutes ses facultés mentales et physiques. Il a envie et il a un programme.
Nous avons de la visite ce matin 🥰
— Team Arkéa Samsic (@Arkea_Samsic) July 8, 2022
Nacer Bouhanni est passé voir les copains au départ de cette 7ème étape ! @LeTour #TDF2022 pic.twitter.com/9v9TyG3o0W
"Clément Champoussin ? On a tout le loisir d'y croire"
Il y aura sept arrivées en 2023 chez Team Arkéa-Samsic, dont Clément Champoussin et Andrii Ponomar. Comment voyez-vous le potentiel de ses deux coureurs ?
À l'image d'un Kévin Vauquelin, même s'il est un peu plus âgé (Champoussin a 24 ans, Vauquelin 21, ndlr), Clément a énormément de possibilités. Il sait piloter son vélo, il est très punchy, il sait monter les bosses, il va pas mal en chrono... on a tout le loisir d'y croire et de penser qu'il va réaliser une belle saison. Quant à Andrii, c'est l'un des meilleurs coureurs de sa génération. Il va bénéficier chez nous d'une belle structure et d'un suivi. Il a la volonté, il a déjà effectué de très belles choses depuis ses débuts chez les professionnels. C'est un beau diamant, il reste certaines choses à polir, mais on a toutes les raisons d'y croire quant aux possibilités qu'il affiche.
Nairo Quintana n'a pas été remplacé en termes de profil et de qualité. Vous avez essayé de prendre Romain Bardet et Guillaume Martin, mais ça n'a pas fonctionné. Avez-vous également été voir à l'étranger ?
Non. J'ai ce projet de connaître les possibilités des jeunes que l'on a recrutés il y a quelques années, et aujourd'hui, on a de très belles choses en magasin. Il faut maintenant que ça sorte, que ça sourie, et je pense que des Champoussin, Louvel et autre Vauquelin, ça doit pouvoir s'exprimer. Il y a des statutaires autour d'eux comme Warren Barguil, Hugo Hofstetter, Nacer Bouhanni et bien d'autres, et on a la volonté de réaliser de belles choses. Il y a des places de leaders à prendre dans le cyclisme français, il y a des choses à faire.
Une histoire forte, un succès chez les juniors en Bretagne sur le Trophée Centre Morbihan... Découvrez notre 29ème coureur : l'ukrainien Andrii Ponomar ! 🇺🇦
— Team Arkéa Samsic (@Arkea_Samsic) December 9, 2022
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"Warren Barguil sur le Giro, il n'y a pas eu besoin de me convaincre"
Il y aura une nouveauté en 2023 pour l'un de vos coureurs puisque Warren Barguil a annoncé qu'il participerait au Tour d'Italie pour la première fois de sa carrière, avec l'objectif de gagner une étape pour entrer dans le cercle fermé des vainqueurs sur les trois Grands Tours.
Warren affiche ses ambitions. Il aspire depuis de nombreuses années à participer au Giro, et cette année, on a la capacité et la possibilité de lui offrir ce Tour d'Italie. C'est maintenant à lui d'y faire ses gammes et essayer de s'exprimer sur une étape du Giro, en sachant qu'il y a certaines étapes de l'édition 2023 qui lui conviennent parfaitement. A-t-il fallu me convaincre ? Il n'y a pas eu besoin de me convaincre, surtout qu'il y a la possibilité de faire deux Grands Tours d'affilée, donc, s'il n'y a pas de pépin physique, de faire le Giro et le Tour de France la même année.
"La victoire d'étape sur le Tour de France, ça n'est pas une obsession"
Votre équipe n'a jamais gagné d'étape sur le Tour de France en huit participations. Cela devient-il une obsession ?
Non, ça n'en est pas une. Et je crois qu'à partir du moment où ça en devenait une, ça serait encore plus dommageable. Ça viendra quand ça viendra. Je rappelle à chaque fois qu'il y a deux ou trois équipes qui gagnent à elles seules une douzaine d'étapes, donc ça laisse peu de marge pour les autres. Il faut y croire et ne pas baisser pavillon.
Qu'est-ce qu'on peut souhaiter à la Team Arkéa-Samsic pour 2023 ?
Le meilleur qui soit en termes de résultats sportifs, avec un vrai épanouissement chez mes coureurs, mes salariés et moi-même. Avoir un programme sûr et certain pendant trois ans va nous apporter de la sérénité car ça n'est jamais évident d'être à la pêche aux invitations. Et puis garder la base et l'ADN que je veux donner à mon équipe, à savoir qu'on est une famille.