ITW - Stephen Roche : «Pogacar ? Il est dans un autre monde, son monde... »

 

#CyclismActu : La légende de 1987 Stephen Roch s’exprime à notre micro sur l’extraordinaire Tadej Pogacar et les suspicions de dopages qui l’entourent toujours…👀

« Le vélo, partout & toujours ici », sur https://t.co/ezYOVuxVFO�'‍♂�'�#Roche #Pogacar #Slovenia #cycling #Zurich2024 pic.twitter.com/bihz76WBcc

— Cyclism'Actu (@cyclismactu) October 1, 2024

 

"Pogacar ? Il est dans un autre monde, son monde..."

Comment allez-vous Stephen ?

"Impeccable, je me remets de ce week-end donc ça va. On a passé un très bon weekend, l'équipe d'Irlande a bien marché aux Championnats du monde donc on s'est retrouvé dans un pub irlandais à Zurich, il y avait la moitié des Irlandais qui étaient là-bas donc c'était sympa. Il y a les jeunes Irlandais maintenant, cette année je pense que ce sont les meilleurs Championnats du monde depuis très longtemps parce qu'il y a toujours un coureur ou deux comme ci comme ça, mais cette année, il y a eu quatre-cinq coureurs, tous jeunes, tous dans des équipes WorldTour donc je pense que ça promet pour l'avenir. J'en ai parlé avec des supporters, ça fait 20-25 ans qu'ils viennent aux Mondiaux, ils disent que c'est bon pour les 20 prochaines années, ils pensent sincèrement qu'il y a de l'avenir dans le cyclisme irlandais."

 

37 ans après votre triplé, Tadej Pogacar l'a fait et vous avez un nouveau successeur...

"C'est vrai mais je pense que c'était inévitable qu'un jour quelqu'un nous rejoigne. Cela ne veut pas dire que depuis 37 ans il n'y a pas eu des candidats. Il y en a eu, Wiggins, Amstrong, Indurain, Froome... Mais le problème, c'est qu'il fallait avoir toutes les choses réunies pour que ça marche parce que si le parcours des Championnats du monde est plutôt plat, un vainqueur du Tour aura du mal à gagner. Cette année, le duo Giro/Tour était bien pour Pogacar et les Mondiaux étaient exceptionnellement pour un coureur complet et Pogacar a fait un festival."

Au-delà du triplé il y a la manière, 6 victoires sur le Giro, 6 sur le Tour, c'est exceptionnel...

"C'est extraordinaire. C'est quelque chose d'un autre monde mais ce n'est pas pour ça qu'il faut chercher les poux. Je pense qu'il est très très doué, on le voit dans sa manière d'être. Dans sa mentalité, c'est quelqu'un de très sain, très humble et puis tôt ou tard, on savait qu'on allait trouver quelqu'un comme Merckx dans les années d'aujourd'hui. Il y a 50 ans, Merckx dominait tout et on faisait avec, Pogacar fait la même chose, c'est beau pour le vélo de voir un coureur comme ça qui est spontané. Si Pogacar était parti dans les derniers kilomètres, on aurait dit 'il n'y a pas eu de course', mais là il part de très loin, il y a eu une belle course derrière, les coureurs n'ont pas baissé les bras et ont maintenu Pogacar a une minute pendant 90 kilomètres. Il est dans un autre monde, son monde à lui et il va falloir qu'on s'y habitue car il n'a que 25 ans."  

 

"Van der Poel, Evenepoel... Ce n'est pas acceptable"

Van der Poel et Evenepoel ont dit qu'ils pensaient que Pogacar perdait ses chances en attaquant d'aussi loin... et vous ?

"S'il n'y avait pas eu les Strade Bianche, Liège-Bastogne-Liège... Je serais d'accord avec eux. Mais il n'est pas à son premier coup d'essai donc pour des coureurs de ce niveau, ce n'est pas acceptable comme excuse. Pour moi, Pogacar reste Pogacar, il est capable de faire n'importe quoi, n'importe où et n'importe quand. Il fallait le surveiller et les coureurs ont un peu mal jugé ou ils étaient endormis mais il n'y a pas d'excuse de rater Pogacar. C'est le grand favori, son maillot vert est voyant, on ne peut pas dire qu'on ne l'a pas vu partir. Si on le voit partir, il faut y aller. Là, tout le monde dormait. Ce gars-là, il ne faut pas le laisser partir, parce qu'on laisse 1 mètre, ça en devient 100 et après c'est terminé. Le fait qu'ils le laissent partir comme ça... Ce n'est pas acceptable." 

 

Après une saison aussi aboutie, vous l'avez vécu, vous aviez connu une saison compliquée, comment on va chercher de la motivation ?

"Moi, j'avais été victime de malchance, j'étais tombé et je m'étais blessé au genou pendant 3 ans avant de revenir. Cela a persisté pendant 2 ou 3 ans, il fallait que je parte voir des médecins en Allemagne, c'était un peu une catastrophe. Mais on ne peut pas comparer les époques parce qu'à la mienne, le coureur gérait tout lui-même. On faisait le vélo, notre programme d'entraînement, l'alimentation, la vie de famille... Là maintenant, le coureur ne fait que le vélo. L'équipe et l'entourage s'occupent de tout le reste. Les coureurs dépensent moins d'énergie maintenant qu'à notre époque et en plus ils ont toute une base de données, si les entraîneurs voient que le coureur est fatigué, ils modifient. Donc je pense que nous on pouvait prendre un contre-coup car on était beaucoup sollicité, là où Pogacar n'aura pas ces problèmes-là."

Qu'est-ce qu'il peut aller chercher de plus, Vuelta, Milan-San Remo, Paris-Roubaix ?

"C'est un coureur, qui, à partir du moment où il met un dossard sur le dos, veut gagner. Je ne pense pas que ce soit quelqu'un qui cherche les records, peu importe l'importance de la course, s'il met un dossard sur le dos, il est là pour gagner. Je pense qu'il pourrait peut-être cibler un Tour d'Espagne, un Milan-San Remo ou un Paris-Roubaix mais c'est plus compliqué car on peut perdre une saison sur une mauvaise chute à Paris-Roubaix. Et je pense que son équipe le prend en considération, mais je suis sûr qu'un Tour d'Espagne lui manque et un coureur comme ça aimerait gagner les 3 Grand Tour. Je pense qu'il peut cibler un doublé Tour/Vuelta. Toute façon, à 25 ou 26 ans, je pense que le Tour sera à son programme pendant 5-6 ans au moins, pour les sponsors, quand on a un élément qui peut gagner, on ne va pas le laisser à la maison."   

"Les suspicions sur Pogacar ? Aux JO, on accepte les performances..."

Avec ses performances, Pogacar n'échappe pas aux suspicions de dopage, qu'en pensez-vous ?

"C'est quelque part un peu normal mais aux JO qui viennent de se passer il y a quelques semaines, on n'en parlait pas. On n'associait pas le dopage avec les performances, on acceptait les performances telles qu'elles étaient. Pourquoi en cyclisme on est obligé d'aller chercher les poux, pourquoi on ne peut pas accepter que ces athlètes, depuis 10-15 ans soient assujettis aux contrôles médicaux, ils ont le passeport biologique, ils sont obligés de prévenir la lutte antidopage à chaque fois qu'ils font un déplacement... Je pense qu'il faut accepter ce qu'il fait déjà. Les instances font ce qu'il faut pour essayer de diminuer les tricheurs. Il y aura toujours des gens qui auront des soupçons. Il faut accepter que maintenant, le vélo, c'est 24h/24h, il y a des entraînements spécifiques, tout est géré par les équipes. Je pense que le talent qu'il y a maintenant est dû aux méthodes d'entraînements et pas au dopage."

Eddy Merckx a dit après les Mondiaux que Pogacar était meilleur que lui, qu'en pensez-vous ?

"Il ne faut pas comparer les époques. Il y a même des gens qui disent que je ne suis pas dans la même catégorie, mais si tu retournes en arrière et que tu regardes les épreuves que j'ai gagnées en 1987 et de quelle manière, on peut dire que j'étais au même niveau que Merckx et Pogacar. Mais la ressemblance reste là, je ne cherche pas à me comparer. Je pense que Merckx, à 25 ans, n'avait pas fait ce que Pogacar a fait. Cependant, ce n'est pas pour ça que Pogacar est meilleur que Merckx, si les deux couraient en même temps, on ne sait pas qui serait vainqueur. Quand on voit tout ce qui est mis à la disposition des coureurs maintenant, ça n'a rien à voir. On ne peut pas comparer les deux époques, je n'aime pas quand les gens comparent les champions de différentes époques. Mais c'est clair que c'est le champion de cette nouvelle génération."