INTERVIEW - Guillaume Martin : «La sécurité... ça ne doit pas être un tabou»
Après cinq saisons vécues au sein de l'équipe Cofidis, marquées notamment par trois tops 10 en Grands Tours (8e du Tour de France et 9e du Tour d'Espagne en 2021, 10e du Tour en 2023), Guillaume Martin va quitter la formation nordiste à la fin de l'année 2024. Mais le Normand de 31 ans va rester en France, puisqu'il s'est engagé avec la Groupama-FDJ... une équipe qu'il a déjà connu en tant que stagiaire en 2014. De sa saison 2024 décevante, à son futur au sein de la formation de Marc Madiot, en passant par son nouveau livre... Guillaume Martin est revenu sur toute son actualité au micro de Cyclism'Actu.
Vidéo - Guillaume Martin au micro de Cyclism'Actu
Avant de parler de vélo,parlons de votre actualité, puisque vous sortez un nouveau livre qui se nomme "Les gens qui rêvent"
La saison cycliste se termine et la saison littéraire qui commence. J'essaie quand même de cloisonner un peu les choses. J'avais demandé à l'éditeur que ça puisse sortir à l'automne aussi pouvoir accompagner le livre au mieux et que ça ne vienne pas non plus perturber ni ma saison passée ni la préparation de la suivante. J'ai ce livre qui va sortir le 30 octobre, ce sera mon quatrième déjà. C'est toujours avec le même éditeur, Grasset, mais cette fois c'est un roman qui parle moins de vélo et qui est plus personnalisé. Je parle du parcours de jeune cycliste, je raconte l'histoire de mon père notamment aussi. Disons que c'est lié à des éléments historiques de la région où j'ai grandi en Suisse normande et c'est plus personnel que les livres précédents. Il est moins question de philosophie, c'est plus vraiment un roman.
Pour revenir au vélo, vous avez fait une saison 2024 qu'on peut qualifier à la fois de pleine, avec 88 jours de courses, mais aussi de difficile au niveau des résultats, qui étaient sûrement vos moins bons depuis 2018. Comment vous qualifiez cette saison ?
Je ne sais pas si j'ai grand chose à rajouter. Effectivement, encore beaucoup de jours de course, pas d'abandon non plus cette année, donc ça veut dire de l'engagement sur chaque course à laquelle j'ai participé. J'avais un bon niveau d'ensemble, mais dans le cyclisme actuel, ça ne suffit plus, il faut être très bon. Très bon, je ne l'ai jamais été, j'ai été bon souvent, mais excellent peut-être jamais, ou alors j'ai été stoppé. Je pense aux courses comme la Mercan'Tour Classic, où j'avais vraiment de bonnes sensations. Je pense que ce jour-là, je pouvais jouer la victoire et ça m'aurait lancé dans une bonne dynamique pour la suite de l'été, mais je suis tombé et je me suis cassé une côte. Ça m'a évidemment perturbé le jour même, mais aussi pour la suite avec le Dauphiné et l'approche du Tour. En début de saison, j'ai eu à nouveau le Covid, donc j'ai eu quelques coups d'arrêt à des moments importants de la saison qui, à mon avis, ont fait que je n'ai pas réussi à avoir ce petit truc en plus qui emmène une victoire.
13e du Tour, 15e de la Vuelta... de bons résultats, mais qu'est-ce qu'il manque pour aller chercher un top 10 ?
Déjà, c'était deux courses différentes. Je n'abordais pas forcément La Vuelta avec le général en tête, j'avais plutôt envie d'essayer de trouver des ouvertures pour les échappées. Et puis, comme j'étais un peu dans le jeu au général, je n'ai jamais eu trop d'ouvertures. Le Tour, j'avais quand même un meilleur niveau qu'à la Vuelta. Parfois, mon niveau peut être le même et ça peut faire une 13e place ou une 8e place, qui était mon meilleur résultat sur le Tour en 2021. Je ne sais pas si j'étais moins bon cette année que l'année où je fais 8e, c'est juste aussi que les autres étaient meilleurs. Après, je pense que j'ai aussi, même à 31 ans, une marge de progression. Je vais aborder 2025 avec l'idée de changer pas mal de choses aussi, de sorte à réussir à tirer le meilleur de moi-même. Je pense qu'il y a eu des moments dans ma carrière, je pense à 2020 notamment, où j'avais vraiment un niveau sportif très bon qui me permettait de jouer plus haut que j'ai joué cette année. Et donc, j'aimerais bien retrouver, à minima, ce niveau-là.
Avant de parler de 2025 et du futur, est-ce que vous pouvez nous faire un petit retour sur ces cinq années avec Cofidis ? Il y a eu de belles choses, avec des tops 10 au général sur le Tour de France, trois victoires... Qu'est-ce que vous retenez de ces cinq années ?
On fait un sport exigeant, un sport fait d'émotions. Il y a eu, évidemment, du bon et du moins bon en cinq ans. Je vais essayer de retenir le bon et notamment les premières années. J'ai senti vraiment que je passais un cap en 2020-2021. Il y a eu, je pense, l'effet Covid, l'effet confinement, qui m'a obligé vraiment à me reposer, à bien me préparer. Et à la reprise fin 2020, j'ai vraiment fait des belles performances. Troisième du Critérium Dauphiné, j'ai longtemps été troisième à quelques secondes du maillot jaune sur le Tour de France, meilleur grimpeur de la Vuelta... En 2021, j'avais poursuivi un peu dans la même veine. Et alors ensuite, il y a eu du bon également et j'ai pu lever les bras à quelques occasions. Mais j'ai l'impression qu'il y a eu un peu une coupure en 2022, quand j'ai été obligé de quitter le Tour à cause du Covid. Déjà, psychologiquement, c'était dur, parce que le Tour de France m'est cher, ça se passait bien, j'avais des bonnes sensations. Et puis, c'était la fin de quatre ans de courses sans abandon pour moi, donc ça avait une valeur symbolique. Et surtout physiquement, suite à ça, je trouve que d'un point de vue immunitaire notamment, j'ai été plus fragile ces deux dernières années. Je suis tombé un peu plus souvent malade et donc ça a impacté mes performances. Les deux dernières années ont été un peu plus irrégulières, je dirais.
Vos meilleures années avec Cofidis étaient en 2020-2021, juste après avoir quitté Wanty. Est-ce que c'est aussi avec cette idée-là que vous allez changer d'équipe ?
Oui, tout à fait. Je pense que c'est quand même important de travailler dans la durée avec les équipes dans lesquelles on se trouve. Donc voilà, vous avez dit, 4 ans chez Wanty, 5 ans chez Cofidis, donc je suis quand même un coureur plutôt fidèle. Mais à un moment donné, je pense que c'est important aussi d'avoir du nouveau pour avoir un petit coup de boost. Et je suis assez convaincu que le fait de changer d'équipe cette année et de rejoindre Groupama-FDJ va me permettre de donner un nouvel élan à ma carrière.
Peu de gens le savent, mais vous avez déjà été stagiaire chez FDJ en 2014. C'est quoi ? C'est un peu un retour aux sources, ou c'est complètement une autre histoire ?
Oui, c'est amusant parce que c'était il y a 10 ans exactement. Et donc c'est déjà une belle histoire. Retour aux sources en un sens, oui, parce qu'il y a des personnes que j'ai retrouvées sur le stage administratif qui étaient déjà là il y a 10 ans. J'étais dans mes dernières années amateur au club du CC Étupes et y a des personnes qui ont fait la bascule vers l'équipe Groupama-FDJ. Donc je n'arrive pas en territoire inconnu. Et après, à l'inverse, l'équipe a aussi beaucoup évolué en 10 ans et s'est professionnalisée. Il y a une grande part de découverte et puis une part de continuité.
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— Cyclism'Actu (@cyclismactu) August 6, 2024
Qu'est-ce qui vous a fait choisir Groupama FDJ ? Qu'est-ce qui a fait pencher la balance et quelle place vous aurez dans cette équipe ?
La place dans l'équipe, ce n'est pas forcément à moi de le dire. Ce qui a fait pencher les choses, c'est vraiment les échanges que j'ai pu avoir avec notamment Julien Pinot et Philippe Mauduit, qui ont été mes premiers interlocuteurs à la fin du printemps. Et c'est vrai qu'initialement, en début d'année, j'avais plutôt en tête de retrouver une expérience à l'étranger. Et puis, leur discours m'a vraiment convaincu. Et je pense que c'est une équipe qui s'est alliée à un professionnalisme qui n'a rien à envier aux meilleures formations mondiales, tout en gardant un esprit familial, une certaine bienveillance à l'égard des coureurs. Et pour moi, c'est le combo gagnant pour la performance, c'est de réussir à faire les choses de manière très sérieuse, très scientifique, tout en étant dans un environnement de confiance et de sérénité.
Là où chez Cofidis vous étiez un peu le seul leader, chez Groupama FDJ il y aura peut-être un peu plus de concurrence en interne, notamment avec David Gaudu. Est-ce que vous savez comment cela va se passer ?
Sur les programmes de courses, on a commencé à évoquer les choses, mais ça va se préciser plutôt sur le mois de décembre. Après, vous avez parlé de concurrence, moi je ne le vois vraiment pas du tout comme ça. Là, on était concurrent jusqu'à l'an dernier parce qu'on avait des maillots différents. Ce ne sera absolument plus le cas désormais. Je pense qu'on voit dans le cyclisme moderne que le fait d'avoir plusieurs cartes dans son effectif et plusieurs leaders, c'est plus un atout qu'un désavantage. On voit avec quelles cartes se présentent au départ les équipes comme UAE Team Emirates ou Visma | Lease a Bike. Le fait d'être au départ d'un Liège-Bastogne-Liège avec David Gaudu, Valentin Madouas, Romain Grégoire, Rudy Molard, Quentin Pacher... ça peut nous permettre de jouer et de chacun obtenir des meilleurs résultats. C'est comme ça que je vois les choses. Je ne suis absolument pas inquiet à ce niveau-là.
Est-ce qu'on pourra avoir quelques pistes sur votre année 2025 et votre programme de courses ?
Pas beaucoup, désolé, parce que justement, je n'ai pas les éléments. On a évoqué des choses, mais ce n'est pas moi qui suis décisionnaire et les décisions ne sont pas encore prises, je pense. Je ne peux pas trop vous répondre avant décembre au mieux. Après, oui, c'est sûr que le Tour est une course qui m'est chère et surtout si ça se confirme qu'il y a un passage chez moi en Normandie.
Pour revenir sur un sujet plus général dans le cyclisme, nous avons fait un sondage sur ce que les gens avaient revenu de cette saison 2024. Il y a eu une immense majorité des gens qui ont répondu : l'ultra domination de Tadej Pogacar. Est-ce que c'est un peu aussi ce que vous retenez de cette saison, vous qui avez notamment partagé plusieurs courses avec lui, comment vous analysez ça ?
Oui, je pense que c'est assez évident, ça frappe aux yeux de tout le monde, qu'on soit dans le peloton ou qu'on regarde les courses à la télé. Après, si je vais évoquer un deuxième sujet, je pense qu'il y a aussi le thème de la sécurité qui a beaucoup fait parler cette année encore, un peu comme les saisons précédentes. Il y a eu évidemment les chutes impressionnantes au Tour du Pays Basque, au Dauphiné et plein d'autres. J'ai un coéquipier, Nicolas Debeaumarché, qui est tombé au Tour de Pologne. Il y a eu une chute assez lourde. Je crois que ça, c'est vraiment un sujet qu'il faut continuer à travailler, continuer à chercher des solutions parce que ce n'est pas possible de risquer notre vie en faisant notre sport, notre passion.
Est-ce que vous avez sur ce sujet-là quelques conseils à donner à l'UCI ou quelques points de réflexion ?
Le sujet est pris en main par l'UCI. Heureusement, il y a quand même des avancées depuis quelques années. Au niveau d'ASO et du Tour de France, c'est une vraie préoccupation. C'est vrai qu'on voit que du fait que l'entraînement progresse, le matériel progresse, on atteint des vitesses toujours plus rapides. Il y a toujours plus de tension au moment décisif de la course où il faut être bien placé. Il faudrait peut-être essayer de trouver des solutions pour réduire cette vitesse. Peut-être travailler au niveau du matériel. Je ne pense pas qu'il faut qu'il y ait de tabou par rapport à ça. Se poser les bonnes questions, réfléchir à des moyens de limiter la vitesse des vélos pour tout le monde, ça pourrait être une première piste.
Personnellement, quels sont vos prochains rendez-vous ?
Là je suis en repos. Je vais reprendre l'entraînement courant novembre et le premier stage sera en Espagne mi-décembre.