Chronique - Stephen Roche : «Froome ? Il peut être battu»
Par Valentin GLO le 06/02/2016 à 19:05
Vidéo - Comment fonctionnent les vélos électriques ?
Nouvelle chronique Stephen Roche sur Cyclism'Actu. L'Irlandais revient sur l'affaire du moteur électrique et répond aux questions posées par Cyrille Guimard ce mardi. Le vainqueur du Tour de France 1987 donne également son avis sur la réforme World Tour, sur la supériorité de Chris Froome mais aussi sur son fils Nicolas Roche et son neveu Dan Martin, victorieux ce jeudi sur le Tour de la Communauté de Valence, sur le cyclisme féminin et ses stages de cyclisme.
Je n'ose pas croire au vélo à moteur chez les professionnels
Ça faisait 15 jours qu’on entendait qu'il allait se passer quelque chose comme cela. Mais personne n'imaginait que ce serait à haut niveau, c’est impossible. Il faudrait trop de monde au courant. Un moteur n'arrive pas dans un vélo par hasard. Et puis ça finit toujours par parler. C'était pareil pour le dopage : tout le monde savait, mais personne ne disait rien. Si des athlètes tentent de tricher avec un moteur, pas mal de monde doit être au courant. J’ose croise que ça se passe seulement à un niveau inférieur mais pas chez les professionnels. Il faut malgré tout continuer les recherches car certains athlètes sont prêts à tout. C'est un gros avantage de pouvoir gagner 50-60 watts. Mais peu importe, il faut continuer à lutter.
Je ne pense pas que l'UCI a fermé les yeux sur ce problème. Je ne cherche pas à défendre quelqu'un, mais l’UCI a d’autres chats à fouetter depuis 10 ans. Mais ça ne concerne pas que l'UCI. Depuis 7-8 ans tout le monde sait que ça a existé. Moi-même je l'ai vu chez un fabricant. Il m'a montré un vélo à moteur à côté d'un vélo "lambda". Il n’y avait aucune différence. Peu de bruit. Le moteur électrique existe et il peut être camouflé. C'est un avantage pour les anciens afin de continuer à rouler avec les copains. Mais tout le monde croyait qu'un cycliste professionnel n'arriverait pas à le camoufler. Il y a beaucoup d’autres éléments à prendre en considération, comme les mécaniciens. Tout le monde serait au courant pour que cela puisse se produire. Un coureur n’oserait pas prendre ce risque : s’il se fache avec un fabriquant ou un mécanicien, ils peuvent parler ! Tout le monde savait que cette possibilité existait, mais je ne pense que cela soit dans le peloton professionnel, c’est trop compliqué.
L’UCI a mis en place des systèmes de détection, ils ont encore modifié cela. Ils n’ont pas fermé les yeux. Ils ont cru que les coureurs professionnels ne pourraient pas tricher à ce niveau-là. Ils ont pris des mesures pour que ça n’arrive pas. Le peloton, les cyclistes, les suiveurs ont pris un grand coup derrière la tête. Parfois, ce sont les commentateurs et les journalistes qui cherchent la sensation. Cancellara, par exemple, est un sacré moteur lui-même.
Certains sont peut-être passés sans être pris
Trop de risques, trop à perdre avec des procès. Les fabricants de vélo peuvent attaquer pour diffamation, atteinte à l’image. Il y a un côté juridique derrière. Mais certains peuvent miser sur le pas vu, pas pris. On a beaucoup polémiqué mais c’était déjà des mises en garde. J’ai peut-être la tête dans le sable, mais je n’y crois pas. On peut aussi tirer la conclusion que peut-être que d’autres sont passés avant sans être pris.
On peut mettre en place un système de parc fermé pour que chaque vélo soit tamponné conforme. Il faut faire preuve de vigilance et adapter des mesures. Tolérance zéro. Une suspension de 6 mois plus une amende, ce n'est pas assez. Le cyclisme a trop souffert, ils doivent être rayés à vie. Tellement de choses peuvent être mises en place. Celui qui veut encore jouer ne doit pas avoir une seconde chance. Il faut des sanctions fermes et rigides.
Si la réforme World Tour ne passe pas, c'est de l'argent gâché
C’est très compliqué. Nous ne voyons que l’extérieur de l'iceberg. Ils ont dépensé des fortunes pour consulter le monde du cyclisme et ses acteurs, pour savoir comment se comporter pour être solide et florissant. Ils ont beaucoup discuté dans les commissions. Si cette réforme n'est pas maintenue, ce sera de l'argent gâché. Le cyclisme a besoin d’être repensé. Quelques conclusions doivent être faites. Il ne faut pas refondre complètement le vélo mais des changements doivent être effectués. Au niveau des droits télés notamment, je ne veux jeter la pierre à personne mais je trouve que certains ont le monopole. Ce n’est pas très sain pour ce sport car ils peuvent faire la pluie et le beau temps.
Chris Froome n'est pas imbattable
Je ne suis pas du tout d'accord avec Eddy Merckx sur le fait que Chris Froome sera imbattable sur le Tour de France 2016. Il y a un parcours déterminé, différent d'année en année. Il y aura beaucoup obstacles cette année malgré le retour des chronos. En 2015, on a vu que Froome n’était pas imbattable. Quintana est de plus en plus fort, beucoup de jeunes arrivent en se disant qu’ils peuvent gagner. Les coureurs sont ambitieux mais pas seulement en visant le podium. C'est ce qui fait la beauté du cyclisme depuis 2 ans et pour les 4-5 ans qui viennent. On va vivre de supers moments. Et c'est aussi parce que personne ne voit Froome comme imbattable.
Nicolas Roche et Daniel Martin : entre malchance et satisfaction
Nicolas n'a pas as eu de chance. Il a passé un très bon hiver, il s’est marié. Mais malheureusement il a subi deux piqûres d’insectes l’une après l’autre. Il a été soigné à base d'antiobiotiques pendant un mois. Ce n'était pas l'idéal, surtout pour un cycliste. Il accuse un peu de retard dans sa préparation mais tous les kilomètres qu’il a fait restent dans les jambes, il n'a pas fait tout ça pour rien. La forme viendra plus tard que prévue mais les fondations sont là. Il faut prendre son mal en patience.
Concernant Dan, je suis très content pour lui. C'est un très bon puncheur avec un très beau palmarès (Tour de Lombardie, Liège-Bastogne-Liège, étape du Tour de France, étape de La Vuelta). Etixx Quick-Step est sa 2e équipe après 8 ans chez Garmin, c'est l'occasion d'avoir de nouvelles responsabilités. Il gagne dès la 1ère course, c’est beau. En 1987, j'avais aussi gagné sur le Tour de la Communauté de Valence et c’était aussi ma 1ère victoire de l’année. Il peut gagner le général. C’est un coureur différent de moi. C'est un très bon coureur de course par étapes mais surtout de classiques. Je le vois bien faire un top 10 sur le Tour de France et gagner une étape, car il est très malin. Il progresse chaque année. Quand il est passé pro, il était maigre, il a pris un peu de poids. Il tient la distance. Mais il est trop souvent dans les chutes pour lui permettre de bien figurer dans les courses par étapes. C'est peut-être son année, il atteint l'âge de la maturité et possède un nouveau statut de leader chez Etixx.
Le cyclisme féminin est très compétitif
Je suis un peu à distance, mais ça prend de plus en plus d’importance. Il est temps ! C’est très compétitif, les filles se battent vraiment bien pour les courses. Les fabricants de vêtements font des tenues taillées pour les femmes. C’est très joli. C’est bien que le cyclisme féminin avance comme ça, c'est un beau spectacle. Les filles font bien le boulot. Je vois de plus en plus de femmes dans mes stages qui viennent pour pratiquer le vélo, même seules.
Les stages Stephen Roche, 21e année
Ce sera la 21e année, on va commence demain le premier stage et ils se déroulent chaque semaine jusqu’en octobre. Les personnes peuvent arriver quand elles veulent et repartir quand elles veulent. Tout le monde est réparti sur 4 à 5 niveaux différents et sont entourés, dorment dans des hôtels 4 étoiles à Palma. En octobre, on organisera la 2e édition du Tour des phares, avec 7 000-8 000 mètres dénivelés du 22 au 27 octobre. Toutes les informations sont disponibles sur mon site www.stephenroche.com.
Propos recueillis par Valentin GLO pour Cyclism'Actu.