ITW - Xavier Louy : «On peut annuler le Tour de France»
Par Valentin GLO le 22/03/2016 à 20:30
Vidéo - Christian Prudhomme sur les enjeux du Tour de France 2016 !
Parole à Xavier Louy ce mardi sur Cyclism'Actu qui est entré dans l'organigramme du Tour de France en 1977, adjoint à l'époque de Félix Levitan * (Journaliste sportif dès 1928 au journal La Pédale, Félix Lévitan a été embauché au Parisien Libéré à l'issue de la Seconde Guerre mondiale. Plus tard, Félix Lévitan est devenu directeur du service des sports du quotidien parisien en 1962, puis membre du conseil d'administration de 1978 à 1987. Ces fonctions au Parisien l'ont propulsé comme directeur de la Société du Tour de France de 1962 à 1987. Il était déjà avant cela directeur adjoint de Jacques Goddet sur la Grande Boucle. Il contribuait ainsi à créer en 1975 le maillot à pois rouges récompensant le meilleur grimpeur du Tour. Félix Lévitan est également l'initiateur de la première arrivée sur l'Avenue des Champs-Élysées lors de ce même Tour de France 1975. Félix Lévitan a été fait chevalier de la Légion d'honneur en 1953, il fut élevé au rang d'officier de la Légion d'honneur en 1963, et enfin il reçut la cravate de commandeur dans l'ordre de la Légion d'honneur et nommé commandeur du Mérite en 2003.) * Voilà pour l'Histoire. Quant à Xavier Louy et le Tour de France ? Il en est devenu le directeur pour l'édition 1988, année de la victoire de l'Espagnol Pedro Delgado. Du coup, Xavier Louy apporte ce mardi à Cyclism'Actu sa vision d'ancien organisateur de la course cycliste la plus médiatisée du Monde quant à la sécurité des courses cyclistes suite aux attentats de ce mardi 22 mars à Bruxelles. Faut-il annuler les épreuves en Belgique entre autre organisées par Amaury Sport Organisation comme la Flèche-Wallonne et Liège-Bastogne-Liège ? Comment protéger les coureurs et les spectateurs ? L'ancien patron de la Grande Boucle, poste occupé aujourd'hui faut-il le rappeler par Christian Prudhomme, s'explique pour Cyclism'Actu.
Xavier, est-il judicieux de maintenir les épreuves cyclistes belges comme À Travers la Flandre après les attentats survenues à Bruxelles ce mardi ?
Oui, et ça vaut aussi pour le concert de Johnny Hallyday ce jeudi. La tendance naturelle pour tout événement public de cette ampleur c'est de le remettre en cause suite à genre d'attaques. Il faut néanmoins garder à l'esprit que les attentats se répètent rarement tout de suite. Il y a une sensibilisation plus forte de l'opinion mais la seule vraie raison d'annuler les courses cyclistes c'est des forces de l'ordre mobilisées ailleurs. Les compétitions cyclistes ont besoin des forces de l'ordre pour exister. Si le gouvernement ordonne que les manifestations demandent la présence des forces de l'ordre soient annulées, alors dans ce cas-là oui, il faut les annuler. C'est plus dans cette optique que j'imaginais une annulation de course.
Comment assurer la protection d'un événement sportif itinérant comme l'est une compétition cycliste ?
C'est très compliqué, c'était toujours l'une de mes préoccupations quand j'étais à la tête du Tour de France. On peut toujours renforcer la sécurité des événements ayant lieu dans un stade, mettre en place un périmètre de sécurité par exemple, vous imaginez bien que c'est impossible en vélo. La solution, et c'est la même en dehors des courses, c'est d'avoir un maximum de renseignements. Le rôle de la population est très important. Les spectateurs peuvent ainsi repérer ceux qui ne ressemblent à des spectateurs habituels. Il faut aussi renforcer les arrivées avec la garde républicaine, avec un cordon de sécurité. Cela vaut pendant la course et en dehors de la course pour les coureurs : on se souvient notamment des gardes du corps de Lance Armstrong.
Ce genre d'attaques peuvent mettre en danger le cyclisme ?
Même si les sponsors ne raisonnent pas là-dessus, le sport cycliste pourrait effectivement être menacé. Lors du dernier Tour de France, ça devait être une véritable hantise pour Christian Prudhomme d'être à la merci d'un tel événement. Cela remettrait tout en cause. Le cyclisme est d'ailleurs un miracle permanent. Regardez comment une épreuve peut être faussée, un seul individu peut bloquer la course. Pour l'instant on y a échappé, mais je me souviens de ma première année sur le Tour, en 1977. On avait eu des problèmes à la frontière du Pays basque où on avait signalé des individus armés. Jusqu'à présent c'est resté marginal. Cela reste une crainte légitime que d'avoir cette peur. Toutes les épreuves médiatisées sont à la merci de ce genre d'attaques. On ne peut pas tout empêcher.
Tout le monde se souvient de l'attentat à l'arrivée du marathon de Boston en 2013. Est-ce que déplacer les arrivées des courses en dehors des villes pourrait être une solution ?
Je ne pense pas que ça changerait quelque chose, il faudrait faire ça en vase-clos, sans public. Sauf que le principe du cyclisme c'est d'avoir un maximum de public. Or il y a encore plus de monde encore sur les arrivées en dehors des villes ! Le hooliganisme a menacé et menace toujours l'existence du football : on voit une diminution de fréquentation des stades, aussi à cause des menaces terroristes. Certains ne veulent pas venir avec leurs gosses. On a la chance que ce soit bon enfant dans le vélo. Malheureusement, on vit une période qui peut durer plusieurs années. On peut annuler le Tour de France. N'oublions pas qu'il se déroule sur un arrêté du ministère de l'Intérieur. Il pourrait avoir une décision exceptionnelle. Les Tours de France qui n'ont pas eu lieu c'était pendant la guerre. Il peut y avoir des annulations d'étapes. On a quand même des informations qui arrivent avant. Si on a des informations sur un jour précis, il pourrait y avoir une décision.
Il faut savoir que tous les matins sur le Tour, il y a une concertation avec la police et la garde républicaine. S'il y a des risques de grèves : on a des messages transmis par le préfet. On a aussi quasiment tous les matins le chef de police et le capitaine de la garde qui viennent faire un rapport. C'est un autre niveau de sécurité. Le Tour est largement encadré.
En dehors de ces menaces, on parle pas mal des problèmes de sécurité des courses cyclistes depuis l'année dernière. Qu'en pensez-vous en tant qu'ancien directeur du Tour de France ?
Si je me place du côté de l'organisation, notamment au niveau de l'encadrement des autos, tout a été renforcé : on a plutôt limité le nombre de voitures par rapport à mon époque, les oreillettes autorisent ou non de doubler, etc. Concernant les accidents de ces dernières années peut-être que les coureurs n'entendent pas à cause de l'oreillette ou que les pilotes sont moins bons ? Je ne porte pas de jugement là-dessus. Les moyens mis en place sont plus importants. En revanche, les routes ne sont pas conçues pour les cyclistes, elles sont dangereuses à cause des rond-points, des ralentisseurs. C'est un truc de fou ! Le risque est aussi aggravé par la taille du peloton. On a fini le Tour 77, l'année où Bernard Thévenet gagne, à 57 ! Par définition, il y avait moins de risque. La course a changé également, ça frotte plus. L'environnement du réseau routier n'est plus sécurisé.
Propos recueillis par Valentin GLO (avec Jean-François RHEIN) pour Cyclism'Actu.