ITW - Vuillermoz : «La sécurité ? Le vecteur, c'est la retransmission télé»
Passé professionnel en 2013 au sein de l'équipe Sojasun, Alexis Vuillermoz a ensuite évolué pendant sept saisons chez AG2R La Mondiale, avant de s'engager en 2021 avec la TotalEnergies, équipe pour laquelle il court depuis quatre ans et avec qui l'aventure va s'arrêter en fin d'année, puisque le Jurassien va prendre sa retraite. Comptant neuf victoires à son palmarès, Vuillermoz a signé son plus grand exploit le 11 juillet 2015 en remportant, à Mûr-de-Bretagne et en puncheur, la 8e étape du Tour de France. Double vainqueur du Grand Prix de Plumelec-Morbihan (2015 et 2017), et également lauréat du Tour du Limousin (2017) et de la Royal Bernard Drôme Classic (2019), le natif de Saint-Claude a décroché sa dernière victoire il y a maintenant près de deux ans, à l'occasion de la 2e étape du Critérium du Dauphiné. Marquée par de très beaux succès et de belles places d'honneur - 4e du Tour de Lombardie 2017, 6e de la Flèche Wallonne 2015, 11e du Tour d'Italie 2014, 13e du Tour de France 2017... - le parcours d'Alexis Vuillermoz a malheureusement été freinée par de nombreuses grosses chutes. Une carrière remplie de rebondissements, sur laquelle le principal concerné est revenu au micro de Cyclism'Actu.
Vidéo - Alexis Vuillermoz, à notre micro, avant Liège-Bastogne-Liège
Bonjour Alexis, vous étiez au départ de La Flèche Wallonne mercredi, une course rendue extrêmement difficile par les conditions météorologiques, comment ça va ?
Ça va mieux qu'hier (mercredi, ndlr), on s'est réchauffé. Effectivement, on a eu une édition épique de La Flèche Wallonne, avec l'arrivée de la grêle, de la neige et du froid. On s'attendait à une course très dure, mais de là à voir la neige arriver... c'était au-delà des prévisions.
Ce dimanche, vous serez au départ de Liège-Bastogne-Liège, une course qui ne vous a pas forcément souri jusqu’à présent, qu’est-ce que vous en attendez ?
On annonce déjà des conditions météo compliquées, avec de la neige, de la pluie... Ça risque d'être une édition encore particulièrement difficile. Sur ce type d'épreuve, il faut déjà survivre, c'est une course d'élimination et le but c'est de ne pas se faire éliminer. J'estime ne jamais avoir été un très bon coureur dans des mauvaises conditions météo. Autant je ne souffre pas de la chaleur, autant je souffre vite du froid.
Évidemment, nous allons revenir sur l’annonce que vous avez fait il y a quelques jours de ça. Vous avez annoncé que vous allez prendre votre retraite à l’issue de la saison. Qu’est-ce qu’il vous a emmené à prendre cette décision ?
C'est une décision qui était déjà mûrie depuis pas mal de mois. Je tenais à partager cette information avant le Tour du Jura, pour ma dernière course dans ma région d'origine. Je voulais vraiment partager ça.
Qu’est-ce que vous retenez de ces 12 années chez les professionnels, d’abord chez Sojasun, puis chez AG2R La Mondiale et maintenant chez TotalEnergies ?
Déjà, ma carrière a commencé en tant que vététiste, j'ai fait 4 ans en professionnel chez Lapierre International. La route a toujours été quelque chose qui m'a plu, qui m'a intéressé, qui m'a fait rêver. Plus jeune, on avait le staff en VTT qui nous racontait les histoires de Thomas Voeckler chez Europcar, quand j'étais petit j'allais sur l'Alpe d'Huez avec mon papa pendant le Tour de France où il y avait la "Virenque mania"... Quand je suis venu sur route, j'avais envie de découvrir le Tour de France, que j'ai eu la chance de faire dès ma première année, et plus tard j'ai même pu remporter une étape. C'était même au-delà de mes espérances. Il y a eu des hauts, mais aussi beaucoup de bas, il y a beaucoup plus de moments de galère que de réussite.
Quand on prononce votre nom, une image nous vient en tête, celle de votre victoire au sommet du Mur de Bretagne sur le Tour de France 2015, est-ce que c’est votre plus beau succès en carrière ?
Forcément, sans aucune mesure, le Tour de France est au-dessus de pas mal de choses dans le vélo. Mais pour moi, ma victoire d'étape sur le Critérium du Dauphiné en 2022, après une longue période de disette et de doutes, a signé mon retour au haut niveau. Ça a aussi été un grand moment pour moi, d'autant plus que j'ai porté le maillot jaune. Même si ce n'est pas celui du Tour, ça reste un maillot jaune. Il y a énormément de belles histoires, à titre collectif ou personnel. Pour moi, être parmi les meilleurs auprès de son leader dans le "money time" en montagne, c'est quelque chose qui m'a toujours fait rêver. Ça prouvait que j'étais au top niveau en montagne, pour accompagner mes leaders comme Romain Bardet ou Jean-Christophe Peraud.
Est-ce que vous partez avec des regrets ou plutôt avec le sentiment du devoir accompli ?
J'ai eu vraiment plus d'opportunités que ce que j'aurais espéré. J'ai participé aux Jeux Olympiques, au Tour de France... C'était aussi de belles rencontres humaines et des moments inoubliables.
Ça fait maintenant 4 ans que vous évoluez au sein du Team TotalEnergies, qu’est ce que vous retenez de votre passage dans l’équipe de Jean-René Bernaudeau ?
J'ai fait 1 an chez Sojasun, puis 7 chez AG2R La Mondiale, où j'ai passé de très belles années. Mais sportivement parlant, je pense que j'étais rentré dans une routine et j'arrivais dans une impasse. C'était important pour moi de changer d'air pour pouvoir relancer ma carrière. L'équipe Europcar, qui est maintenant TotalEnergies, m'a toujours donné envie de l'extérieur, déjà quand j'étais jeune, avec les années Thomas Voeckler et Pierre Rolland. Et il y a toujours eu ce côté un peu familial, avec Jean-René qui incarnait ça. Et c'était une équipe tournée vers l'offensive, alors que chez AG2R j'étais plutôt enfermé dans un rôle d'équipier.
Quand on voit la situation de l’équipe cette année, qui n’a pas été invitée sur bon nombre de courses WorldTour, est-ce que ça vous inquiète pour le futur ?
En tant que coureurs, on est concentré sur chaque course. On sait que l'on doit aller chercher des résultats pour recevoir ces invitations. Dans une saison cycliste, il y a des hauts et des bas, des dynamiques qui sont parfois bonnes et parfois moins bonnes.
Route - Alexis Vuillermoz va stopper sa carrière à la fin de la saison ! #Vuillermoz #AllezTotalEnergies #Retraite #UCI https://t.co/ll9AINGaNo #cyclisme #cycling
— Cyclism'Actu (@cyclismactu) April 10, 2024
On sait qu’au cours de votre carrière vous êtes souvent tombé, vous avez notamment subit une grosse chute sur le Tour de Suisse 2021. Et quand l’on voit le nombre de chutes qui augmente ces dernières années… Quelle en est la cause et quelle serait la solution pour vous ?
J'ai envie de différencier deux types de courses. On a des courses WorldTour où il y a des grosses chutes, mais l'ambiance dans le peloton est plutôt sereine et on se sent plutôt en sécurité. Alors que dernièrement, pour avoir roulé sur les Coupe de France, je trouve que c'était clairement dangereux, avec des coureurs qui font des mouvements virulents alors qu'on est loin de l'arrivée et qu'il n'y en a aucun besoin. Quitte à faire le vieux con, j'ai l'impression que la nouvelle génération a grandi avec YouTube et les images de Cavendish qui mettait des coups de casque... et maintenant qu'ils sont dans le peloton, ils pensent que c'est ça du kilomètre zéro à l'arrivée. Alors que non, on est un peloton, on est des humains, on est tous garant de l'intégrité physique de chacun, ça ne doit pas être une arène de gladiateurs.
Mais pour moi, le principal vecteur, c'est la retransmission télé. Les directeurs sportifs ont tous accès à la vidéo en direct et on a tous pour consigne à l'oreillette de se placer devant en permanence. Les coureurs manquent peut-être parfois d'autonomie à ce niveau-là. Mais je ne suis pas pour le retrait de l'oreillette, parce que souvent elle nous sauve bien la mise. Est-ce qu'avoir un canal unique pour tous les coureurs serait la bonne solution ? Ça pourrait être intéressant.
Pour l’après-carrière, est-ce que vous avez déjà une idée de ce que vous voulez faire ?
Je voudrais déjà passer un diplôme d'État pour pouvoir encadrer des personnes. Je suis quelqu'un qui est toujours dans l'échange. Je reste ouvert à différentes opportunités, je ne suis pas fermé à grand chose, mais je ne veux plus partir de chez moi 300 jours par an en tant que coureur.
Quels sont vos objectifs pour cette dernière saison ?
J'ai de plus en plus de mal à évoluer dans le froid et l'humidité. Le beau temps arrive et je n'ai pas envie de cibler une course, je veux vraiment prendre chacune d'entre elles comme une opportunité et pouvoir me faire plaisir sur le vélo en roulant à l'avant, en jouant les premiers rôles.