INTERVIEW - Michel Callot : «Un 3e mandait à la FFC, si c'est celui de trop ?»

Par Cyclism'Actu le 14/11/2024 à 13:54. Mis à jour le 17/11/2024 à 14:02.
INTERVIEW - Michel Callot : «Un 3e mandait à la FFC, si c'est celui de trop ?»
INTERVIEW
Photo : @CyclismActu / CyclismActu.net

La FFC aura-t-elle un nouveau président le 14 décembre prochain ? L'actuel patron de la Fédération Française de Cyclisme (FFC), Michel Callot, qui termine son 2e mandat, sera en effet opposé à Teodoro Bartuccio lors des prochaines élections, le 14 décembre. Michel Callot brigue un troisième mandat à la tête du cyclisme français, mais son adversaire est soutenu par des grosses têtes du cyclisme en France, comme Marc Madiot ou Cyrille Guimard. Dans l'enceinte du Vélodrome National, le président actuel s'est livré au micro de Cyclism'Actu. Vous pouvez retrouver le meilleur de cet entretien ici ou l'interview complète et en vidéo.

Vidéo - Michel Callot, président de la FFC au micro de Cyclism'Actu

 

"On a besoin d'un mandat un peu long pour aller jusqu'au bout des projets"

Vous êtes à nouveau candidat pour un troisième mandat, c'est assez rare...

Je ne sais pas si c'est rare. Trois mandats c'est le maximum puisque c'est ce que prévoient à la fois nos statuts et à la fois la loi. En effet, c'est un engagement d'une durée respectable mais je pense qu'on est dans une phase de transformation d'un certain nombre de choses autour de notre sport et qu'on a besoin d'un mandat un peu long pour aller jusqu'au bout des projets importants.

 

Pourquoi être à nouveau candidat, quel travail n'est pas terminé ?

Je l'ai déjà dit, il y a quelques sujets qui sont importants dans mon esprit. Le premier, qui a motivé presque tout mon engagement fédéral, c'est la transition économique de notre modèle. Il y a le siège fédéral, il y a aussi une chose que j'aimerais bien terminer, on a créé une filiale commerciale et il faudrait qu'elle décolle pour produire des revenus et alimenter l'économie du siège fédéral. On veut aussi emporter nos clubs sur de nouveaux modèles, une nouvelle façon de profiter pleinement de ce qu'apporte tout le vélo. J'aimerais également aller au bout des modernisations de nos activités. Et puis le dernier sujet est l'organisation des Championnats du monde sur route en Haute-Savoie en 2027. Il faut que la fédération prenne toute sa place et apporte toute son expertise. 

 

"Les Mondiaux sur mes terres en Haute-Savoie ? Un faux débat..."

Ces Mondiaux sur vos terres, ça dérange...

Je pense que c'est un faux débat. Il fallait un département très riche parce qu'il faut avoir les moyens pour accueillir une opération de cette nature-là. Il y avait très peu d'endroits où cela aurait pu se faire. Cette histoire à la vertu d'être née et bien née et d'être sur de bons rails aujourd'hui. Je pense que c'est ce qu'il faut retenir, le fait que ce soit en Haute-Savoie est anecdotique. Et quand on connaît le temps que ça prend, je pense que c'est aussi bénéfique pour la fédération que son président soit de la région et donc directement au contact du territoire et des acteurs haut-Savoyards. 

 

Il y a aussi la piste dans ces "Super Championnats du monde", mais la piste ne devrait pas être en Haute-Savoie ?

Rien n'est encore confirmé mais il y a une probabilité assez forte que la piste ait lieu au Vélodrome de Saint-Quentin en Yvelines. Ces Championnats du monde étaient un prétexte pour avoir un super vélodrome en Haute-Savoie mais pour des raisons politiques, malheureusement, le projet ne pouvait plus voir le jour dans un délai suffisamment court. Si le Vélodrome National doit accueillir ces super Mondiaux, il faut aussi voir un écho à un vélodrome qui a accueilli les Jeux olympiques, les Mondiaux deux fois et qui est aussi une signature nationale. 

 

Comment va économiquement la fédération ?

D'un point de vue siège fédéral, on s'est attaché à respecter ce que nous a demandé l'Etat quand on est arrivé en 2017, c'est-à-dire de reconstituer des fonds propres pour la fédération, d'assainir ses finances... Je pense qu'on a rendu une copie propre en la matière. Aujourd'hui, notre fédération a des fonds propres qui permet de faire face à des aléas. N'oublions pas que durant ces 8 années, on a traversé le Covid et puis ensuite une période de crise plus internationale, une forte inflation aussi. Au bout du compte, on s'aperçoit que la fédération a résisté à tout ça. 

 

"Le cri du cœur qui a été porté par Emmanuel Hubert... une vraie alerte"

Expliquez nous le conflit avec la LNC, c'est un peu se mettre tout le monde à dos...

J'ai rencontré beaucoup d'acteurs du monde professionnel cet été et nombreux ne sont pas alignés avec les positions de la Ligue, mais il y a des raisons historiques à ça. Le travail fait par les acteurs représentants le cyclisme professionnel français a été un travail de sécurisation et il faut dire qu'ils l'ont plutôt bien réussi. Maintenant, le cyclisme international bouge beaucoup, notamment au niveau du recrutement avec des agents omniprésents, y compris dans le monde amateur. Et c'est aussi l'âge de recruter, de plus en plus tôt. Avec tout ça, les jeunes ont de plus en plus l'impression d'avoir raté leur carrière s'ils n'ont pas signé en pro à 18 ans. Il fallait qu'on réfléchisse à des solutions et on a ouvert une première porte avec les contis fédérales, mais l'idée c'est de dire qu'on doit pouvoir continuer à être coureur amateur à son meilleur niveau, sans pour autant avoir une licence professionnelle. 

 

Emmanuel Hubert, patron d'Arkéa - B&B Hôtels, a tiré un constat alarmiste de l'état du cyclisme français, êtes-vous d'accord avec lui ?

J'ai eu l'occasion de discuté de cela avec Emmanuel Hubert, on se connaît très bien, on discute, on parle. Par rapport à ce cri du cœur qui a été porté par Manu Hubert et d'autres, il faut y voir une vraie alerte par rapport à un secteur professionnel où tout est devenu inflationniste avec les investissements étrangers qui font explosé le marché. L'UCI réfléchit à une forme de régulation avec le budget cap, on pourra commencer à évaluer l'outil lorsqu'il sera présenté début décembre. Peut-être que la France pourra faire des propositions sur d'autres aspects, en particulier ceux liés aux contrats environnant les coureurs parce qu'en France, on a un système de formation qui marche très bien et qui ne pèse pas sur le marché.


... comment expliquer qu'il ne pèse pas ?

Ce système ne pèse pas d'un point de vue économique pas sportif. Il ne pèse pas parce que les modalités de transfert des coureurs dans le système actuel n'emportent pas de modalités qui viennent rémunérer la formation ou très peu. Ce sont des axes sur lesquels nous pourrons travailler à l'avenir. Il faut le faire avec les autres pays et l'UCI. Il faut qu'on arrive à mettre en avant nos avantages concurrentiels. Je sais que c'est dur pour nos managers d'équipe, mais j'ai envie de leur dire "discutons".

 

"Teodoro Bartuccio ? Je vais mettre ça sur le compte de la naïveté... "

On entend justement que vous n'écoutez pas assez...

On est dans une campagne électorale donc je sais bien qu'à ce moment-là, il faut que la fédération et son président aient à peu près toutes les tares donc peut-être que je n'écoute pas assez mais j'essaye, à chaque fois que j'ai l'occasion, d'être dans des rencontres pour écouter, comprendre et essayer d'apporter des solutions. Quand je dis ça, ça ne veut pas dire répondre à tout parce qu'être président de fédération, ce n'est pas avoir une baguette magique, elle n'existe pas. Bien malin serait la personne qui dirait, "moi, une fois président de la FFC, je réglerai ce problème", bien malin. On n'a malheureusement pas tous les leviers en main, on peut être une force de négociation mais encore une fois, la baguette magique, ça n'existe pas.

 

Votre adversaire, Teodoro Bartuccio, vous accuse de ne pas assez vous soucier du cyclisme amateur...

C'est peut-être le mérite de la fraîcheur quand on n'a pas exercé de responsabilité, ne serait-ce même qu'à l'échelle régionale où l'on se rend compte très vite qu'on n'est plus sur une somme de problèmes mais qu'il faut trouver un dénominateur commun à tout ça et des outils qui fonctionnent. L'exercice est tout de suite un petit peu plus difficile et je vais mettre ça sur le compte de la naïveté parce qu'il manque sûrement d'un peu d'expérience sur le sujet de la gestion collective. 

 

Et que faire pour aider les clubs et organisateurs qui souffrent ?

Est-ce qu'on peut les aider ? Cela dépend de ce qu'on attend de la FFC. La FFC aide ces organisateurs, parfois sans même s'en rendre compte mais de manière diverses et variés, notamment dans la relation avec les pouvoirs publics. Je vais reprendre l'exemple de la période Covid, on a débloqué je ne sais combien de situations. La fédération va aussi promouvoir le cyclisme. Quand on organise un Championnat du monde, ce n'est rien d'autre qu'une vitrine pour notre sport, qui va convaincre des collectivités de continuer à investir dans le cyclisme. Maintenant, si l'on pense que la FFC peut aller agir à la place des clubs et organisateurs pour aller chercher l'argent à leur place, on se leurre. La FFC ne peut pas agir en lieu et place de ses 2 300 clubs, bien au contraire, elle a besoin du levier d'action de chacun.  

 

"Les 75 000 euros des Championnats de France 2024 en Normandie ? Je suis sensible à ce genre d'alerte... "

On parle aussi des bénévoles dont vous ne vous occupez pas assez également...

Il y a plusieurs sortes de bénévolats. Vous avez du bénévolat ponctuel, comme on le retrouve beaucoup sur les organisations. Celui-ci est à entretenir dans les organisations. Et on voit bien que des organisateurs arrivent mieux que d'autres à fidéliser ce bénévolat et à l'animer. Puis il y a un bénévolat qui me préoccupe davantage, qui est le bénévolat d'engagement, devenir président d'un club, trésorier etc... C'est un bénévolat quotidien et c'est là qu'on a besoin de faire en sorte de faciliter les choses pour ses bénévoles, dirigeants, en améliorant nos outils et en mettant plus de ressources à leur disposition. 

 

Il manquerait 75 000 euros à payer lors des derniers Championnats de France 2024, qui va payer ?

Concrètement, c'est la collectivité d'accueil qui lance une alerte parce qu'elle lui manque 75 000 euros dans son budget. La FFC est à jour, il y a un contrat qui la couvre complétement. Pour autant, je suis sensible quand j'ai ce genre d'alerte et pas plus tard que dans la journée, je rencontrais le président Hervé Morin pour discuter de ces sujets-là. Lorsqu'il y a des difficultés comme ça, on essaye de leur venir en aide. 

 

Avez-vous un message à faire passer à vos détracteurs dont Cyrille Guimard, chroniqueur Cyclism'Actu ?

Non, pas de message en particulier à faire passer si ce n'est que je suis sensible au respect, je pense qu'avec l'équipe qui m'entoure pendant huit ans, on s'est donné sans compter, comme on l'a fait dans nos comités régionaux, car on ne sort pas de nulle part contrairement à ce que parfois on lit. On n'a pas débarqué ici aux sièges de la FFC sans avoir été dans des comités régionaux. S'il y a un message à passer, je crois que c'est juste d'essayer de prendre la mesure de ce que représente la gestion d'une fédération. 

 

"Les résultats sportifs dont je suis fier ? Le doublé de Julian Alaphilippe..."

Les résultats sportifs sont la vitrine de la FFC, de quoi êtes-vous le plus fier ?

Je mettrais trois choses dont je suis très fier sur un même plan. La première chose, c'est qu'on a eu pendant ces huit dernières années, des titres de champion du monde dans à peu près toutes les disciplines y compris, et c'est peut-être mon deuxième point, là où rentre vraiment dans la vitrine, le doublé de Julian Alaphilippe. Deux titres de champion du monde et de nombreux podiums depuis que Thomas Voeckler est arrivé, c'est une immense satisfaction. Et même si, on peut le contester, les Jeux Olympiques sont une réussite, 9 médailles, 3 en Or. Le cyclisme en tête de son tableau des médailles, c'est pour moi, une émotion profonde et surtout un grand soulagement. 

 

Dans ce bilan, le seul hic, c'est la piste, comment vous l'expliquez ? Il y a tout à refaire ?

La seule nuance que j'apporterai, c'est qu'on a remporté des médailles sur nos 5 disciplines. Sur la piste, on a remporté une médaille d'or. Si l'on prend les deux dernières olympiades, toute discipline confondues, on aurait bien aimé avoir une médaille d'or, on ne l'a pas eu. Donc le bilan sur piste, c'est quand même une médaille d'or, ce n'est pas rien. Effectivement il y a deux collectifs, et il y en a un qui a échoué, c'est le sprint. On savait très bien que c'était notre point faible, par rapport à certaines mesures qui sont réfléchies aujourd'hui, elles étaient impossibles à mettre en place juste avant les JO de Paris. Et les prendre dans tous les cas auraient pu nous amener dans un cercle vicieux qui aurait pu toucher les autres collectifs. C'est un choix qu'on a assumé de dire, on va aller aux JO de 2024 avec la continuité de ce qu'on a fait et avec l'espoir qu'on allait s'en sortir comme dans les Mondiaux de 2022. Mais les Mondiaux ne sont pas les JO et les stratégies des nations ne sont pas les mêmes n'ont plus. 

 

"Mon plus gros chantier sera celui de la route"

Si vous êtes réélu, quel serait votre plus gros chantier ?

Le chantier le plus sensible, ça serait bien évidemment celui de la route. On le sait et je pense ça vient de pas forcément de la FFC mais a plein d'autres paramètres extérieures liée à l'évolution de la société. La route souffre, parce que c'est un espace public avec des problèmes de sécurité et la route souffre parce que c'est là où l'on a le plus de mal à changer un modèle historique qui, pour autant, doit s'adapter aux transformations de la société et à la manière de pratiquer de nos adhérents. Je me permettrais d'ajouter un projet de coeur, arriver à relancer un plan massif de construction de terrain de BMX en France, on n'en a que 270, à peine 3 par départements. 

 

En une minute, pourquoi êtes-vous la personne qu'il faut pour diriger la FFC ?

Je n'aurais pas cette prétention-là, mais je pourrais dire que je suis prêt à mettre au service de notre fédération mon expérience, qui est une expérience non seulement de président de fédération, mais aussi de président de comité régional et de président de club. Et puis, au-delà de l'expérience, c'est l'énergie, l'envie et les réseaux accumulés durant ces huit dernières années. Le mandat de trop ? Cela serait celui où l'on a plus l'énergie et j'ai encore des projets qui sont puissants et pour ceux qui me connaissent, ils savent que je compte ni mes heures, ni mon énergie pour la fédération et il n'y a pas de raison que cela change.

 

Si David Lappartient est élu président du CIO, vous penserez à la présidence de l'UCI ?

Ce n'est pas du tout quelque chose à quoi je pense. Je pense d'abord à apporter à David plein de réussite pour cette élection du CIO, ça serait un tel honneur pour le sport français, plus de 100 ans après Pierre de Coubertin. Et à l'UCI, au-delà de la présidence, ce qu'il faut préserver, c'est une influence française."

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