Les carnets secrets - Fayet : «On n'aura jamais le chèque que perçoit l'UCI»
Visiblement, vous avez aimé les billets d'humeur de Marc Fayet en 2023, alors on remet ça pour 2024 ! Vous avez pu le découvrir et le lire sur Cyclism'Actu ! Marc Fayet est donc de retour pour cette saison avec sa chronique ou plutôt sa rubrique "Les carnets secrets". Pour rappel, Marc Fayet, né en 1961, est un homme du théâtre et de la scène. Acteur et metteur en scène mais aussi passionné de vélo. Marc s'est toujours investi : il écrit, commente, agit autant qu'il le peut dans le cyclisme, notamment sur le Tour du Finistère dont il est aujourd'hui et depuis 2021, le président du comité d'organisation. Marc Fayet et "ses" carnets secrets, c'est désormais à retrouver régulièrement sur Cyclism'Actu.
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"Probablement et on n’aura jamais la hauteur du chèque que perçoit l’UCI..."
On n’ose pas trop aborder le sujet parce qu’il est déplaisant, qu’il ne fait pas honneur aux valeurs du cyclisme, mais il est des moments où il est important de dire que c’est une vraie ineptie d’aller disputer des épreuves dans des déserts, au milieu de nations qui se fichent de notre sport, ou tout au moins qui n’en ont pas la culture. La preuve, il n’y a aucun coureur de ce pays dans l’équipe qui porte son étendard, à moins qu’on ne fasse un pont d’or à l’un d’eux pour en prendre la nationalité.
On le sait, le seul motif de la présence des équipes est celui de venir glaner de précieux points UCI si importants pour la pérennité de leurs structures et justifier leur présence dans le gotha. Mais est-ce que cela vaut la chandelle de rouler au milieu de barrières vides, de prendre des risques de chutes devant trois chameaux pour touristes et entre trois palaces pour milliardaires ? Alors vous me direz « Oui, justement, parce qu’il y a des points et surtout de l’argent à prendre ».
Probablement et on n’aura jamais la hauteur du chèque que perçoit l’UCI et d’un certain nombre de sponsors fortement encouragés à venir voir le temps qu’il fait. Cependant, la vocation d’un spectacle sportif c’est d’être vu, d’attirer les foules, de créer de la ferveur et surtout du lien, c’est la mission bienfaitrice depuis toujours de ce sport extérieur, qui célèbre la diversité de ses populations et exhale la beauté de ses paysages. Celle fascinante des déserts n’est pas à contester, bien au contraire, mais elle se justifierait si les sites de départ et d’arrivée y accueillaient un véritable public !
"Il est juste que le cyclisme puisse récolter ici les bénéfices qu’elle pourra redistribuer ailleurs... "
Mais hélas, ne s’y trouvent que les invités de marques, les membres des staffs d’équipes et quelques journalistes profitant de l’aubaine pour venir faire quelques reportages en short et polos manches courtes. L’UAE Tour qui débute pour 7 jours de traversée, n'est que l’héritier de quelques épreuves semblables et défuntes comme le Tour du Qatar, et le renaissant Tour d’Arabie Saoudite rebaptisée Tour d’AlUlA sous l’égide d’ASO qui y a certainement trouvé de larges intérêts financiers. Encore une fois, il n’est pas question de blâmer le groupe organisateur entre autres de la plus grande course au monde, il est juste que le cyclisme puisse récolter ici les bénéfices qu’elle pourra redistribuer ailleurs, mais à notre époque où l’argent est roi, il faudra cesser de fabriquer des vitrines qui n’ont que peu d’attrait.
"Je ne suis pas certain que les diffuseurs y aient atteint un pic d’audience..."
Ce n’est certes pas qu’elles manquent d’étoiles, quand on voit le nombre de champions exceptionnels alignés sur ces courses, mais la crainte c’est qu’ils viennent risquer de s’y casser le nez, et même pire, devant un public absent. Ce serait un peu comme si un acrobate décidait d’effectuer son saut sans filet devant un public composé de la caissière, du dresseur d’éléphant, d’un couple fatigué venu chercher un peu d’émotions passées mais vu en direct par quelques centaines d’abonnés d’un compte Instagram.
Vous me direz « Et vous ? Comment avez-vous vu ces images ? Il a bien fallu que vous regardiez la télé pour en parler ? » « Oui c’est vrai, j’ai visionné d’un œil distrait et en streaming les 10 derniers kilomètres, juste pour conforter ma position et me faire peur en craignant la chute finale qui hélas ! N'a pas manqué d’arriver ». D’où la réflexion, d’où la déception, d’où la chronique. Je ne pense pas avoir été le seul à me contenter de ces quelques minutes de cyclisme sans saveur et sans présumer de l’impact médiatique, je ne suis pas certain que les diffuseurs y aient atteint un pic d’audience. Mais je sais bien que si je prêche pour ma paroisse, je prêche aussi dans le désert.