Chronique - Roche : «J'avais averti l'UCI, on m'a ri au nez»
Par Valentin GLO le 29/03/2016 à 08:10
Vidéo - L'hommage d'un internaute à Antoine Demoitié (@Gicajordi2)
Week-end terrible pour le cyclisme ! Samedi, Daan Myngheer (Roubaix-Lille Métropole) était victime d'un infarctus sur la 1ère étape du Critérium International et s'est éteint lundi soir à l'hôpital d'Ajaccio. Dimanche, Antoine Demoitié (Wanty-Groupe Gobert) était percuté par une moto suiveuse lors de Gand-Wevelgem après une chute, un accident qui lui aussi coûtera la vie. Notre chroniqueur de Cyclism'Actu, Stephen Roche, seul autre vainqueur de la Triple Couronne en 1987 (Giro, Tour de France, championnats du Monde la même année) avec Eddy Merckx, a siégé ces dernières années dans différentes commissions de l'Union Cycliste Internationale. Stephen Roche accompagne aujoud'hui et désormais des invités sur les routes du Tour de France. Bref, le plus Français des Irlandais sait de quoi il parle quand il s'agit d'évoquer la sécurité des coureurs. Explications.
"Définir une limite pour les motos et les voitures"
Il faut savoir que nous vivons des drames tous les jours. Seulement, c'est rare d'en subir deux le même week-end avec une telle ampleur. L'accident d'Antoine Demoitié avec la moto, c'est de la malchance. Nous pouvons toujours chercher des coupables mais ça ne va pas le faire revenir à la vie. Il faut plutôt essayer de trouver des solutions pour l'avenir, pour ne pas que cela se répète. Il y a trop de motos ? Oui. Mais si nous commençons à les supprimer, les journalistes vont pleurer car ils ne pourront pas faire leur papier, et le public sera mécontent car il n'aura ni image ni photo. Il faut définir une limite. Je n'ai pas la réponse, mais depuis la fin de ma carrière, je suis souvent dans les voitures derrière les échappées avec des invités et ça s'affronte durement entre motos et voitures.
Il y a peut-être un moyen de réduire le nombre de motos en gardant seulement les indispensables. Elles ne sont pas toutes nécessaires ! Cependant chacun va défendre son bifteck. Il faut juste apprendre à faire le même travail, mais autrement. À tout le monde se retrouver autour d'une table et être franc. ll faudrait laisser seulement les véhicules indispensables, certaines motos peuvent être enlevées mais c'est compliqué de satisfaire tout le monde. C'est très compliqué.
"J'en avais déjà parlé à l'Union Cycliste Internaionale"
Pourquoi attendre qu'il y ait un drame pour que l'UCI ouvre une enquête ? Je leur en avais déjà parlé plusieurs fois lorsque j'étais dans les différentes commissions de l'UCI. Quand je parlais des coureurs qui descendaient prendre les bidons aux voitures, tout le monde m'a ri au nez. Lorsque les coureurs s'arrêtent pour des besoins naturels, ils ne se pressent pas car ils savent qu'ils vont revenir dans les voitures, c'est pareil pour les chutes. J'avais averti l'UCI de regarder ce qu'il se passe à l'arrière d'un peloton. Il ne faut pas attendre un nouveau drame, il y a trop de motos, il y a trop de voitures. L'UCI va faire une enquête, mais il a fallu attendre un drame.
"Tout le monde paye à la moindre erreur"
Il y a plus de monde à tous les étages de la course, que ce soit dans le peloton, dans le public, dans la file des véhicules, les hélicoptère, etc. Mais cela ne suffit pas à expliquer l'augmentation du nombre de drames. Les oreillettes ont aussi leur part à voir là-dedans. Les coureurs sont plus compétitifs, donc le peloton est plus conséquent aux endroits décisifs. Il y a moins de respect entre les coureurs également. C'est aussi un problème : maintenant chacun veut gagner. Il manque un certain respect contrairement à notre époque. La matériel est aussi en cause tout en carbone, les coureurs ont moins de marge d'erreur. Et il suffit d'une une petite erreur de freinage pour que tout le monde paye.
Propos recueillis par Valentin GLO