Chronique - Cyrille Guimard : «Vingegaard ? Peut-être que quand il voit Pogacar...»

"Vingegaard ou Pogacar ? Je trouve Vingegaard moins percutant..."

Comment vas-tu après ces deux premiers mois de 2025 ?

Je vais bien, j'ai un petit peu décroché parce que c'était un peu nécessaire. Mais non, tout va bien. J'ai même d'ailleurs repris activement les activités physiques, donc vélo, entre autres. J'ai perdu quelques kilos. C'est plus facile dans les bosses. Donc tout va bien.

La compétition a repris depuis plusieurs semaines mais cette semaine dernière nous a particulièrement intéressés puisqu'on a eu la reprise des champions et notamment de Tadej Pogacar et de Jonas Vingegaard. Tu as pu suivre peut-être leur reprise. Les deux ont remporté leur course de reprise. Qui t'a le plus impressionné sur cette rentrée ? 

Le plus impressionnant, si on parle des deux, il n'y a pas photo, il y a Pogacar et les autres, y compris Vingegaard qui, bien sûr, s'est imposé mais il a aussi un statut qui lui permet de s'imposer dans ce type de course qui n'était pas les épreuves les plus difficiles à son niveau. Pogacar a été impérial. En fait, il repart sur les mêmes bases que l'an dernier. Espérons pour ses adversaires que non parce qu'il y aura Pogacar et le reste mais on ne va pas lui couper une jambe à Pogacar. C'est vrai que sur la dernière étape, dans la dernière ascension, il a promené son vélo mais je crois qu'il va peut-être falloir s'y habituer. Vingegaard me semble moins percutant que l'an dernier. Il a peut-être un coup au moral aussi quand il voit l'autre. 

Ce n'est pas inquiétant pour la saison que ça reparte sur les mêmes bases que l'année 2024 ? 

Rien n'est inquiétant. On n'a pas le pouvoir de modifier ça ou alors ce serait dégueulasse. La course vit toujours. Il y a toujours un moment où il va se passer des choses. Rappelez-vous l'an dernier où on parlait du Tour de France et j'avais dit qu'on ne savait pas qui serait au départ du Tour. Et puis il y a eu cette grave chute où il y a eu Evenepoel et Vingegaard qui ont été sérieusement blessés. Ils n'étaient d'ailleurs pas les seuls qui ont modifié tout le début de saison et on pourrait presque même le déroulement normal du Tour. Je trouve quand même que Vingegaard est un peu moins percutant mais on verra bien comment les choses vont évoluer. Il est à son niveau dans son rôle à ce niveau-là de la saison. Tous les coureurs ne sont pas d'ailleurs au même niveau, au même degré de préparation physique en fonction des objectifs des uns et des autre mais que Vingegaard gagne le chrono, oui, il a fait des petits écarts mais pour moi ça n'a pas une véritable importance si c'était sur Pogacar ou sur d'autres grands rouleurs comme un Ganna. Oui, on aurait pu dire que il n'y a pas à tirer des enseignements par rapport à ça. Il n'a pas battu Tarling ni Evenepoel non plus.

"Gaudu arrive à un âge où il ne peut plus se rater"

Côté français, on a David Gaudu qui a gagné. Il a déjà levé les bras. On a eu Romain Bardet aussi qui avait fait un bon début de Tour d'Algarve avant de chuter. David Gaudu a aussi chuté. Comment on analyse ça ?

Gaudu a l'habitude de faire des bons débuts et rappelez-vous qu'il a déjà terminé 2ème d'un Paris-Nice. Il a besoin de démontrer des choses parce que par rapport à l'attente qu'il y a sur David, il n'est pas au niveau de ses attentes depuis 2 ou 3 ans. On trouvera toujours un tas d'excuses et un tas d'alibi. Là, il vient de chuter mais apparemment rien de grave puisqu'il a arrêté une grosse semaine. A lui de répondre aux différentes attentes et il arrive à un âge où il n'a plus le droit de se rater. Je trouve que son début de saison est logique, classique et rien de particulier. C'est bien de lever les bras. Ça fait du bien à la tête, à l'équipe, aux équipiers. C'est toujours bien de gagner. 

C'est bien de gagner mais ça ne fera pas des leaders français dans le peloton international. On ne boxe toujours pas dans la même catégorie... 

C'est évident. On peut le rappeler mais on n'a personne pour jouer la victoire, que ce soit dans les classiques, ou dans les courses à étapes. On n'a pas les coureurs pour ça. On n'a pas les talents pour ça. Les jeunes arrivent mais ils sont encore un peu jeunes. On a Seixas qui commence et qui pourrait peut-être rentrer dans cette caste. Lenny Martinez aussi qui a déjà démontré un certain nombre de choses. Seixas a 18 ans, Martinez a déjà plus de 21 ans. 

Sur lequel tu fondes le plus d'espoir entre Lenny Martinez et Paul Seixas ? 

Sur ce que je vois depuis la sortie de cadet de Seixas, pour moi, Seixas est un cran au-dessus. Il peut rentrer dans la caste des grands, n'oubliant pas qu'il aura 19 ans à la fin de l'année. Il faut regarder, surtout chez les jeunes, s'ils sont nés le 31 décembre ou le 1er janvier. Ça fait un an d'écart. 

"Valentin Paret-Peintre... celui qui a les plus grosses capacités en Grand Tour"

 Et on a un autre qui peut potentiellement jouer gros même dès cette année. On l'attend potentiellement sur les classiques. C'est Paul Magnier, un autre crack français...

 On a Paul Magnier sur les classiques qui lui aussi a une vingtaine d'années. Et puis Paret-Peintre. On a Valentin qui arrive à 24 ans pratiquement, mais qui fait des choses intéressantes et qui est un vrai grimpeur. Un guerrier aussi. Et puis il est dans une équipe où on a l'habitude de gagner et où on veut gagner. La culture de la gagne est importante. D'ailleurs, il a déjà commencé à s'imposer. Pour les classements généraux, sur les Grands Tours, je pense que c'est celui qui a peut-être les plus grosses capacités. 

 Et pour toi, il n'aurait pas autant de potentiel si il n'avait pas rejoint une équipe étrangère avec plus de culture de la gagne qu'une équipe française ? 

Oui, on ne va pas rentrer dans ce débat-là. Mais c'est plus facile de s'exprimer dans des équipes étrangères que dans des équipes françaises. C'est un constat. Je peux remarquer que tous les coureurs qui partent à l'étranger passent un cap. Une des premières références sur les dernières années, c'est Christophe Laporte. Julian Alaphilippe, oui, maintenant, vous avez Paret-Peintre qui arrivent et il y en a d'autres qui sont également à l'étranger et qui vont très bien. Mais c'est un vaste débat politico-sportif.

Cofidis peut s'en sortir, malheureusement pour Arkéa...

 Vous avez parlé des équipes françaises. Cette année, c'est une année de montées et de descentes. Il y a deux équipes françaises, notamment Arkéa et Cofidis, qui sont 19e et 18e, donc ils sont en danger. Est-ce que ça vous fait peur ?

C'est évident. Mais est-ce que ce système est cohérent ou pas ? C'est un autre problème. On fait plus de politique dans les fédérations que de s'occuper des problèmes véritablement sportifs et humains. Mais il est en place, il fonctionne comme ça. Pour moi, il n'y a qu'une seule équipe qui peut s'en sortir, c'est Cofidis. Arkea, je ne pense pas, malheureusement, parce que derrière, vous avez Uno-X, Astana. Il faut quand même savoir qu'Arkea a quand même 2700 points de retard sur Cofidis. C'est quand même énorme à reprendre sur une année. On peut remarquer que Astana, Uno-X, ils ont 3100 points sur Cofidis. Astana, ils ont déjà repris presque 1000 points depuis le début de l'année, donc ça peut aller très vite et Cofidis s'en sortira par des victoires. Ils ont la chance d'avoir un coureur très vite qui peut aller chercher des points : Milan Frétin. Mais il en faudra d'autres.

 Et Astana, on en pense quoi ? Il ne mettait presque pas un pied devant l'autre pendant 2 ans...

On a vu qu'à une époque, leur manager s'est un peu fâché par rapport aux différents problèmes dans son pays. Apparemment, ils ont réussi à retrouver des moyens financiers. Ils ont une structure d'équipe qui est quand même bien faite et des coureurs qui se mettent à performer. Alors il faudra se méfier parce que là on est en surmotivation vraisemblablement sur des charges de travail énormes pour justement essayer de prendre un maximum de points sur les premières épreuves et garder l'espoir tout simplement. Est-ce qu'elles vont durer dans le temps ? Ça c'est plus difficile et plus compliqué à savoir. Une chose est certaine, on se rend compte qu-Uno-X est sur une progression aussi importante. Tudor, ça marche pas mal non plus mais eux ils sont très loin, ils sont à 10 000 points. Donc ils passeront pas 10 000 points cette année à Cofidis. Voilà donc ça doit être quand même très stressant lorsqu'on est dans cette situation. Le problème est de savoir si Astana restera sur sa lancée ou pas et de savoir qui pourra aller chercher Cofidis.

On a quand même l'une des périodes les plus intéressantes de la saison qui va arriver, on a Paris-Nice qui débute, Tirreno qui débute, les classiques qui vont pas tarder à arriver, on a le week-end d'ouverture belge qui arrive. Qu'est-ce que Cyril Guimard a envie de voir sur cette saison, sur ce printemps ? Qu'est-ce qu'il te ferait plaisir à voir à la télé ? 

A voir à la télé ? On ne voit pas grand-chose à la télé. Désolé, mais il faut que ce soit sur les chaînes payantes et c'est un petit peu dommage. Non, moi j'attends, ce que j'aimerais voir c'est un peu le renouveau de Julian dans un nouveau contexte, dans une nouvelle équipe et je pense que ça ferait plaisir à tout le monde. Oui, j'attends un peu ça et puis il faut quand même le dire, on ne va pas se cacher derrière son petit doigt... on n'a pas de coureurs emblématiques en France, on n'a pas de coureurs populaires, on n'a pas de coureurs qui sont capables de déplacer les foules. Des Anquetil, Poulidor, Bernard Hinault, Fignon, on n'a pas de champion charismatique en dehors de Julian. C'est lui qui pourrait redonner un souffle nouveau sur le plan populaire. Julian, si tu m'entends, n'hésite pas, tu as le devoir de gagner et ça nous fera plaisir.  

Je voudrais juste faire un petit coucou à Daniel Mangeas, qui a eu quelques petits soucis de santé et que j'embrasse.