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Cédric Vasseur: «Content que la saison se termine pour Cofidis...»

INTERVIEW
Mis à jour le par Arthur DE SMEDT
Photo : @Cyclism'Actu / CyclismActu.net

Après Marc Madiot, avec qui Cyclism'Actu a eu l'occasion de s'entretenir mercredi, c'est un autre manager général d'une équipe française du World Tour, Cédric Vasseur, qui a répondu à nos questions ce vendredi. L'occasion de revenir avec le patron de l'équipe Cofidis sur cette saison 2024 plus que compliquée pour la formation nordiste, seulement classée au 20e rang mondial du classement UCI avec 5 maigres victoires au compteur, alors que l'année 2023 et les deux succès sur le Tour de France laissaient espérer bien mieux. Un bilan très approfondi qui a permis d'aborder les raisons de cet échec, mais aussi les départs de Guillaume Martin et d'Axel Zingle, le gros mercato réalisé à l'intersaison, la situation de crise dans laquelle se trouve le cyclisme français, la prochaine éléction pour la présidence de la Fédération Française de Cyclisme (FFC), ou encore le futur parcours de la Grande Boucle 2025... Cédric Vasseur a évoqué tous ces sujets dans un entretien qui est à lire et regarder ci-dessous.

Cédric Vasseur... au micro de Cyclism'Actu !

 

"Content que la saison se termine... on n'a pas été à la hauteur"

Bonjour Cédric Vasseur, comment allez-vous en cette fin de saison 2024 ?

Je vais bien, je suis un peu comme les coureurs : content que la saison se termine car elle n'a pas été simple. Cela n'a pas été un grand cru pour nous, et on a envie de tourner rapidement la page pour passer à l'année 2025.

 

Effectivement, l'équipe Cofidis termine 2024 au 20e rang mondial du classement UCI et avec seulement 5 victoires... Comment vous expliquez cette regression par rapport à 2023 ?

Je pense que dans le monde du cyclisme, rien n'est vraiment linéaire... à part pour quelques coureurs comme Tadej Pogacar qui sont des cas exceptionnels. On a un peu marqué le pas par rapport à notre bonne saison 2023 et celle excellente de 2022. Il y a pas mal d'explications, mais la première, c'est tout simplement qu'on n'a pas été à la hauteur. Les résultats et les victoires, ce sont les coureurs qui vont les chercher, et on a trop souvent loupé des occasions. Je pense qu'il y a aussi eu un phénomène de relâchement après les deux beaux succès sur le Tour de France l'an passé. D'une manière générale, on s'est peut-être dit : "C'est bon, Cofidis n'avait plus gagné sur le Tour depuis 16 ans, on peut se relâcher". On a vraiment pris la saison à l'envers, et on n'a pas réussi à redresser ça.

Contrairement à la belle victoire de Bryan Coquard au Tour Down Under pour bien lancer la saison 2023, là on a enchaîné les pépins, pas mal de chutes... On est entré dans une mauvaise spirale et on n'est pas parvenu à sortir la tête de l'eau, même si on a quand même eu quelques satisfactions. La plus belle d'entre elles pour moi, c'est la victoire de Benjamin Thomas sur le Giro qui a quand même bien libéré l'équipe car on en avait besoin. Ça a redonné une énergie au groupe, on a pu enchaîner quelques succès, mais on a replongé ensuite en cette fin de saison où on n'a malheureusement pas signé de résultats exceptionnels. On a tout de même été présents, on termine un peu mieux l'année 2024 qu'on ne l'a commencée, mais ce n'est pas suffisant pour afficher un statut d'équipe UCI World Tour, on le sait.

Donc on va se mettre à travailler rapidement, on se projette déjà sur 2025 avec beaucoup de changement qui vont arriver chez Cofidis. Quand une équipe fonctionne bien, on a envie de continuer avec elle, et quand ce n'est pas le cas, il ne faut pas s'obstiner, ça veut dire qu'on est peut-être arrivé au bout des choses. On repart avec de nouvelles ambitions, de nouveaux coureurs, de nouvelles personnes, pour essayer de retrouver ce que je considère aujourd'hui comme notre place, c'est-à-dire approcher le top 10 mondial.

 

"On avait reproposé à Axel Zingle et à Guillaume Martin de poursuivre le chemin ensemble mais..."

C'est la fin d'un beau chapitre avec les départs de Guillaume Martin et d'Axel Zingle, qui ont porté haut les couleurs de Cofidis pendant plusieurs années. Comment jugez-vous la perte de vos deux leaders français ? On a l'impression qu'il y a une petite perte d'identité française avec un recrutement très international...

C'est sûr qu'en perdant Zingle et Martin, on perd deux coureurs français connus et reconnus. Mais mon onbjectif pour 2025, ce n'est pas de créer une équipe d'une nationalité, c'est d'en créer une qui soit capable de maintenir son statut UCI World Tour. Et si pour ça aujourd'hui, il faut aller chercher les meilleurs coureurs de l'autre côté du continent, et bien il ne faut pas se gêner. Peut-être avec l'ambition future de redonner une identité française un peu plus marquée dans l'équipe. Mais le cyclisme d'aujourd'hui n'est plus comme avant, on voit bien que les talents français partent à l'étranger, les formations françaises doivent donc bien faire appel à ceux de l'étranger, c'est normal. Il n'y a plus de frontières dans le cyclisme, tout va très vite. C'est difficile de travailler comme par le passé, avec un David Moncontié qui fait toute sa carrière chez Cofidis, ça n'existera plus. On avait reproposé à Axel et à Guillaume de poursuivre le chemin ensemble, ils ont préféré aller sur une autre destination.

Mais je pense que continuer avec un coureur qui au fond de lui n'a plus réellement l'envie de travailler main dans la main avec la structure, ce n'est pas forcément une bonne chose. Guillaume a donné beaucoup de satisfactions à Cofidis, il a été époustouflant en 2020. Mais on voit quand même depuis que face à des coureurs qui sont ses adversaires comme grimpeur, il a été en difficulté pour rivaliser avec eux. Donc voilà, toutes ces choses-là ont fait que du côté de Guillaume et du notre, on s'est dit qu'on a fait de belles choses ensemble, on se quitte en bons termes, et je lui souhaite bon vent dans sa nouvelle formation. Nous, on va essayer de reconstruire du solide autour d'Emanuel Buchmann, qui le remplace directement et qui a envie de se relancer dans un nouveau défi. Il faut dire que son palmarès est bien plus fourni que celui de Guillaume, il a fait 4e du Tour en 2019, même si vous allez me dire que c'était il y a longtemps. Mais on sait très bien qu'aujourd'hui aucun coureurs ne peux rivaliser avec Pogacar et Vingegaard, ils sont sur une autre planète sur les Grands Tours. Donc on va se contenter d'aller chercher des victoires d'étapes. Et je pense que la nouvelle source de motivation que Martin recherche chez Groupama-FDJ, Buchmann vient aussi la chercher chez Cofidis.

 

"Axel Zingle ? Chez Cofidis, il avait la garantie d'être leader. Chez Visma..."

Et en ce qui concerne Axel Zingle, qui va suivre les traces de Christophe Laporte chez Visma ? On a eu le sentiement, notamment pendant le Tour de France, que la gestion de son cas a été assez épineuse...

On a voulu discuter avec lui très tôt dans la saison, au mois de janvier, et c'est lui qui a retardé les discussions. Il avait d'ailleurs peut-être déjà signé dans sa nouvelle équipe, c'est possible. En tout cas, on a senti de notre côté un Axel Zingle en perte de vitesse en début d'année, il semblait perdu. On a même dû modifier son programme et l'enlever des Flandriennes. Car c'était lui qui était sensé hisser haut les couleurs de Cofidis sur ces Classiques, et il n'a pas répondu présent. On l'a ensuite quand même relancé sur des courses d'un niveau plus faible, sur les manches de Coupe de France. Et puis sur le Tour de France... c'est clair que chaque coureur a envie de jouer sa carte. Nous, on voulait mettre notre force collective au service de Bryan Coquard. Et bon, vous l'avez vu, ça a été difficile d'avoir une unité dans l'équipe. Il n'y a pas eu de réelles tensions, simplement des coureurs qui ont tenté de tirer leur épingle du jeu. C'était légitime, mais au final ce sont les coureurs et l'équipe Cofidis qui en sont sortis perdants, car ça n'a pas marché. On n'a pas gagné que ce soit au sprint ou en échappée, et on en a même loupé qu'on n'aurait jamais du louper. Même si je sais qu'Axel Zingle a donné le meilleur de lui-même.

Lui aussi avait envie de se lancer dans un autre projet. Chez Cofidis, il avait la garantie d'être leader. Je ne suis pas sûr que ce sera le cas chez Visma. Mais voilà, c'est un choix de carrière. J'en ai fait personnellement aussi. Je me suis dirigé vers une équipe où il y avait un vrai leader comme Lance Armstrong, je devais travailler pour lui et faire une totale abstraction de mes ambitions personnelles, ça fait partie du cheminement. Maintenant, peut-être que dans un an ou deux, Axel dira qu'il a fait le bon choix, ou au contraire qu'il aurait dû rester leader plutôt que d'aller chercher les bidons ou de rouler pour Wout van Aert.

 

"Notre mercato est nettement supérieur à celui de 2023... et il nous reste encore deux places"

Pour en revenir aux dix nouvelles recrues - parmi lesquelles Dylan Teuns, Emanuel Buchman ou Alex Aranburu - comment évaluez-vous votre mercato 2024/2025 ?

Je trouve notre mercato nettement supérieur à celui de l'an dernier. Déjà, sur le papier, on est l'un des équipes françaises qui a fait le meilleur mercato du circuit. Alex Aranburu est un coureur formidable. Il s'accroche, il tente, et ça c'est vraiment l'image que j'ai envie d'avoir des coureurs Cofidis en 2025. On a d'abord été chercher un coureur qui nous garantissait quasiment un top 20 ou 30 mondial. Il est arrivé avec ce statut-là, et c'est ce qu'on recherchait car aujourd'hui on n'avait pas ce genre de coureurs capable de faire ça. Je pense qu'Alex aura vraiment cette mission d'être LE leader de l'équipe, et je suis persuadé que comme il va tenir son rang en tant que tel, l'équipe derrière va suivre et élever son niveau.

Ensuite, vous le disiez, on voulait plutôt des coureurs qui avaient envie de se relancer, avec Emanuel Buchman ou Dylan Teuns. Ce dernier a encore été époustouflant sur les Flandriennes et Ardennaises cette année. Il est capable de rivaliser avec des coureurs de la trempe de Mathieu van der Poel, et ça on n'en a pas dans notre effectif actuel. Il aura un rôle très important pour toutes les classiques belges, il a ça dans le sang, ça fait partie de son ADN. Et puis, on a aussi voulu des francs-tireurs, des coureurs capables d'aller dans des échappées et de faire des numéros. Et dans ce profil-là, je pense que Simon Carr peut être une des révélations pour Cofidis en 2025. Il rêve du Tour de France, et il a largement sa place chez nous pour y participer et en claquer une en échappée. Enfin, on a misé sur des jeunes talentueux, comme Sylvain Moniquet, Valentin Ferron, Sam Maisonobe ou Clement Izquierdo. Donc pour l'instant, ce mercato est de très bonne qualité, et on n'est aujourd'hui que 28 coureurs sous contrat, il nous reste donc deux places à déterminer. On hésite, mais on a envie de faire confiance à la jeunesse.

 

"Former un coureur pour qu'il parte à la concurrence sans même un merci... ça ne vaut pas le coup"

Justement, en parlant de jeunesse, vous êtes l'une des seules équipes françaises à ne pas avoir d'équipe réserve. Comment expliquez-vous ce positionnement-là ?

Avoir une équipe réserve, c'est important mais je pense qu'on a pris du retard dès la fin des années 90. Car Chambéry Cyclisme, quand ils se sont créés à cette époque, c'était le moment opportun pour se lancer dans la formation. Depuis, toutes les équipes se sont lancées sur le circuit Continental. Aujourd'hui, les règles font que vous détectez des jeunes, vous leur permettez de s'épanouir et progresser, et vous n'avez ensuite aucune garantie pour que ces jeunes continuent leur chemin dans votre équipe World Tour. Parce que le cyclisme a changé, que chaque coureur a un agent qui fait jouer la concurrence.

Donc je pense que se lancer aujourd'hui sur le circuit Continental, avec les années de retard qu'on a, c'est affaiblir notre structure World Tour. On doit déjà mettre toute notre énergie et nos moyens pour essayer de progresser au niveau World Tour, que ce soit sur le plan sportif, mais aussi du budget. Dans un pays comme la France, je pense qu'il faut compter minimum 1,5 million pour une structure Continental, ce qui est handicapant quand on sait qu'on ne fait déjà pas partie des plus hauts budgets du World Tour. Nous avons donc plutôt pris le parti de voir comment vont évoluer le circuit Continental et les règles de l'UCI. Je suis très partisan de favoriser et de protéger l'équipe World Tour qui forme un coureur. Car si vous formez un coureur pour qu'il parte à la concurrence, avec parfois même pas un merci, ça ne vaut pas le coup. C'est ce système qui nous rend frileux. Le jour où on aura les garanties que ce genre de cas ne se produise pas, on pourra y aller, mais on n'en est pas là. J'ai apprécié les propos de Marc Madiot sur Cyclism'Actu, qui disait qu'ils avaient fait passer sept coureurs de leur Conti en World Tour, mais qu'aujourd'hui ce ne serait plus possible.

 

"Quand on voit la métamorphose de l'équipe Decathlon AG2R La Mondiale... c'est un modèle à étudier"

On a déjà parlé des coureurs, mais comment est-ce qu'on se remet en question d'un point de vue du staff et de l'encadrement pour repartir sur de meilleures bases et éviter de reproduire les mêmes erreurs pour 2025 ?

On est encore en phase de diagnostic. Tout s'explique, et on cherche vraiment à comprendre pourquoi des coureurs qui ont brillé ces dernières années n'ont pas réussi à trouver l'ouverture en 2024. Quand on voit la métamorphose de l'équipe Decathlon AG2R La Mondiale... c'est un modèle à étudier car ça a bien marché cette année, même si rien ne garantit que ce soit aussi réussi l'an prochain. En tout cas, je veux me concentrer sur les résultats, je ne veux pas entendre parler de points UCI. Car quand on commence à courir pour des points, on court à l'envers.

Le fond du travail qui va être effectué cet hiver, c'est pour que nos coureurs et leaders puissent gagner de belles course. On vaussi changer certains postes évidemment, parce que je pense qu'on n'a notamment pas été au niveau en ce qui concerne la préparation. C'est essentiel qu'on regagne la confiance des coureurs dans les méthodes de travail de Cofidis, dans le matériel... Car l'effectif, s'il tourne à 100% de ses moyens, il doit être capable de faire 10e du classement UCI en 2025.

 

En cas de nouvelle saison ratée, votre place de manager général peut-elle être menacée dès l'an prochain ?

Ça, ce n'est pas à moi de le dire... Maintenant vous savez, je n'ai pas envie de diriger une équipe juste pour diriger une équipe. J'ai déjà fait 15 ans comme coureur professionnel, j'ai gagné des étapes sur le Tour de France, j'ai été consultant à la télévision... J'ai toujours pris beaucoup de plaisir dans tout ce que j'ai fait. Ce qui me motive aujourd'hui, c'est d'amener des coureurs à la victoire, comme en 2023 avec Lafay et Izagirre sur le Tour. Et je n'envisage de toute façon pas un plan B pour 2025 : pour moi, avec l'effectif qu'on a, les moyens mis à disposition par l'équipe Cofidis, ça ne peut pas vriller, il n'y a pas d'autre choix. Je prends la responsabilité de l'effectif qui portera ce maillot en 2025, et... On ne pouvait pas prévoir le Covid en 2020, et j'espère qu'il n'y aura pas un nouveau cas l'an prochain, mais je suis vraiment optimiste par rapport aux capacités de rebondir de la Cofidis. L'année prochaine sera peut-être la meilleure saisons que Cofidis n'ai jamais connue !

 

"L'état du cyclisme français ? Je ne suis pas aussi pessimiste que tout le monde pourrait le prétendre..."

Prenons un peu de recul par rapport à l'équipe Cofidis. L'état du cyclisme français inquiète de nombreux acteurs de la scène, comme l'ont montré les récentes déclarations alarmantes d'Emmanuel Hubert ou celles de Marc Madiot sur notre site. Qu'en est-il de votre côté ?

Je ne suis pas aussi pessimiste que tout le monde pourrait le prétendre. Aujourd'hui, la France est le pays avec le plus d'équipes World Tour. On est privilégié, rendez-vous compte que l'Italie n'en a aucune depuis plusieurs années ! Donc je pense qu'on a un problème de riche. On a beaucoup de compétitions, beaucoup de structures, beaucoup de coureurs, et immanquablement, dans la rivalité internationale du cyclisme, et bien les lignes bougent de temps en temps, et on ne peut pas garder notre part du gâteau chaque année. Un peu comme une équipe, un nation est forcément obligée de connaître des moments un peu plus difficiles.

Maintenant, là où je rejoint mes collègues managers, c'est que le système dans lequel on évolue n'est pas équitable ni loyal. On doit rivaliser avec des équipes qui n'ont pas le même mode de fonctionnement que nous, ni les mêmes contraintes financières. On est sur un marché hyper concurrentiel sur tous les aspects. Vu sous cet angle-là, c'est un handicap pour le cyclisme français. Je ne sais pas comment régler le problème, notre mission est plutôt de sensibiliser sur ce danger à court et moyen termes. Si vous regardez le classement UCI, vous regardez quelque part un peu le classement des budgets. On peut avoir des surprises, comme en Coupe de france en football, mais pour perdurer, il faut un gros budget. On parle beaucoup de salary cap, mais je ne suis pas persuadé que ça va solutionner le problème. Tous ceux qui ont le smoyens d'avoir plus trouveront un système pour gonfler artificiellement leur budget. Je milite plutôt pour un système loyal où toutes les équipes auraient les mêmes contraintes et règles du jeu.

Publié le par Arthur DE SMEDT

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