ITW - Stéphane Heulot : «Wout Van Aert... ça fait couler beaucoup d'encre»
Stéphane Heulot, le manager général de la formation Lotto Dstny, s'est confié au micro de Cyclism'Actu pour un nouveau numéro de L'Entretien et ce, juste avant le Tour des Flandres ce dimanche... un rendez-vous important et incontournable pour son équipe belge ! Le plus Flamands des Français est aussi forcément revenu sur le cas Arnaud De Lie, auteur d'un début de saison compliqué et dont on a appris ce jeudi qu'il était atteint de la maladie de Lyme. Une situation que le Rennais de 53 ans a tenu à relativiser, évoquant un retour possible et symbolique du "Taureau de Lescheret" sur ses terres pour la Famenne Ardenne Classic, dans un mois. La terrible chute et le forfait de Wout van Aert vus de Belgique, la victoire annoncée de Mathieu van der Poel (Alpecin-Deceuninck) sur les deux prochains Monuments, la domination écrasante de Tadej Pogacar et Jonas Vingegaard... Le manager français est revenu sur de nombreux sujets au cours de ce nouvel épisode de L'Entretien.
Vidéo - L'Entretien avec Stéphane Heulot et au micro de Cyclism'Actu
"Si la terrible chute et le forfait de Wout Van Aert pour le Tour des Flandres et Paris-Roubaix a été vécu comme un drame national en Belgique ? On peut dire ça comme ça. En Belgique, les commentaires qui tournent autour du cyclisme sont particulièrement engagés et enflammés même parfois ! C'est quelque chose de très différent pour moi par rapport à ce que j'ai connu en France. Voilà, c'est la Belgique, il y a cet enthousiasme autour du cyclisme, c'est un phénomène social complètement intégré dans le quotidien de beaucoup de gens. Il faut vivre avec, ça fait couler beaucoup d'encre."
On a appris jeudi matin qu'Arnaud De Lie était atteint de la maladie de Lyme... Comment va-t-il ?
Il faut relativiser la gravité. Ça fait partie d'un des diagnostics qui a été révélé suite à diverses analyses qu'on a pu faire. Car effectivement, l'état de santé d'Arnaud De Lie n'était pas conforme à ce qu'on peut attendre. On se doutait bien qu'il y avait quelque chose derrière tout cela. Est-ce que ce n'est que ça, je ne pense pas, car ses chutes ont aussi contribué en grande partie à son mauvais début de saison. Il y a eu des choses positives bien sûr, mais on avait le sentiment de mettre des pansements à chaque fois et que ça ne tenait pas.En ce qui concerne sa maladie de Lyme, il en est vraiment au stade primaire. Il va avoir un traitement antibiotique qui va durer une dizaine de jours, mais il va très bien.
C'était aussi un soulagement pour lui qu'on prenne cette décision, on s'est tous concertés. On sait que pour performer et briller sur des courses comme le Ronde ou Roubaix, il faut être à plus que 100%. Dans l'état où il était, ça ne servait strictement à rien de poursuivre bêtement dans une direction. Il valait mieux se concentrer sur sa récupération et convalescence. De manière aussi à faire un petit reset mental avec toutes ces déceptions qui se sont accumulées. On a pris la meilleure décision possible, on doit d'abord penser à la santé des coureurs.
La maladie de Lyme est très difficile à évaluer en termes d'antécédents, on peut être positif tout une vie. On sait qu'Arnaud vit dans la nature avec les bêtes, c'est donc sûrement une piqûre de tique qui est à l'origine de cette maladie. Mais il est aussi possible qu'il l'ait eu avant. Là, on a investigué vraiment à fond toutes les possibilités, que ce soit une mononucélose, Lyme, ou tout autre paramètre sanguin. Si je me réfère aux paroles des spécialistes, c'est vraiment une maladie qui est très difficile à identifier comme quelque chose de récent ou non.
Comment a-t-il vécu cette période compliquée ?
En ce qui concerne Arnaud, je pense qu'il y a eu une accumulation de faits qui font qu'il en est là. Il était très bien sur l'Omloop, il tombe au GP Samyn, ça a été un coup d'arrêt pendant quelques jours. Il a insisté pour aller sur Paris-Nice car il se sentait mieux le vendredi, alors que le jeudi soir on avait tiré un trait sur sa participation. On sait ce qui s'est passé à Paris-Nice. Le mardi soir, j'ai pris la décision de le ramener chez lui et de faire un premier "pit-stop". Il a repris au GP de Denain, ça a été, mais malheureusement il est retombé, et encore le lendemain sur la Bredene Classic. Ça faisait beaucoup quand même. Il n'a pas été compétitif sur l'E3 Saxo Classic puis Gand-Wevelgem, où il a encore chuté. Je pense que là, on avait clairement atteint les limites.
Quand peut-on imaginer le revoir sur un vélo et en compétition ?
On avance un peu au jour le jour. L'important c'est qu'il puisse revenir en pleine possession de ses moyens. On va dire un mois, et un retour sur la Famenne Classic, ce serait un beau symbole pour lui. Ça dépendra évidemment de l'évolution de sa condition et de sa forme au fil des jours.
Faisons un petit retour sur le début de saison de la Lotto Dstny, avec de belles victoires mais aussi beaucoup de blessés pour les Classiques ?
Evidemment, on est dans un phénomène de résilience. C'est ça le vélo, il y a des moments fastes, on en a connu là, et désormais on connaît un moment plus compliqué... On travaille cette résilience pour passer ce moment difficile. On sait qu'on va probablement souffrir jusqu'à Roubaix, ce qui aurait normalement dû être un de nos points forts. Mais on ne peut pas contrecarrer les aléas du sport cycliste. Comme je dis souvent, le vélo est un sport d'équilibre, quand on perd on tombe, et quand on tombe on se blesse. On n'a pas été épargnés mais on n'est pas les seuls dans ce cas-là je crois. Beaucoup de formations ont été touchées par ces nombreuses chutes et leurs conséquences. Nous, c'est une déception, mais aussi une ouverture sur d'autres stratégies, plus offensives forcément et moins axées sur un ou deux leaders comme avec Florian et Arnaud. Mais c'est ainsi, et on fait preuve d'humilité et de courage de manière à rebondir j'espère très vite sur les classiques wallonnes.
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La terrible chute et le forfait de Wout Van Aert pour le Tour des Flandres et Paris-Roubaix... Est-ce que ça a été vécu comme un drame national en Belgique ?
On peut dire ça comme ça ! C'est dommage pour l'intérêt du sport. Je pense que beaucoup de supporters attendaient ce duel Van Aert - van der Poel, mais il n'aura pas lieu... En Belgique, les commentaires qui tournent autour du cyclisme sont particulièrement engagés et enflammés même parfois ! C'est quelque chose de très différent pour moi par rapport à ce que j'ai connu en France. Voilà, c'est la Belgique, il y a cet enthousiasme autour du cyclisme, c'est un phénomène social complètement intégré dans le quotidien de beaucoup de gens. Il faut vivre avec, ça fait couler beaucoup d'encre.
Est-ce que la campagne flandrienne et les deux Monuments restant ne sont pas d'ores et déjà gâchés par cette chute et tous ces abandons ? On a l'impression que le tapis rouge est déployé pour Mathieu van der Poel et que le scénario est déjà écrit d'avance...
Est-ce que Mathieu a déjà gagné d'avance ? Evidemment, si on remet beaucoup de choses en perspective, on pourrait imaginer qu'il a un tapis rouge devant lui. Sauf que dimanche, il va quand même se retrouver avec une pancarte de favori presque incontesté au départ. Il va donc devoir assumer le poids de la course, ce qui n'était pas forcément le cas par le passé. On l'a vu à Gand-Wevelgem avec la stratégie des Lidl-Trek qui l'a mis à mal, même s'il disait ne pas avoir totalement récupéré de l'E3. Moi, je reste dans un esprit combatif, et je pense que les autres aussi. Tant que la ligne n'est pas passée, on ne peut pas désigner un vainqueur. Evidemment, il a de grandes chances de s'imposer, c'est le grand favori. Mads Pedersen est certes tombé, mais il y a d'autres prétendants, et si les stratégies s'ouvrent, ça peut lui rendre la vie un peu plus compliquée.
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Il y a donc toujours un intérêt à suivre le Tour des Flandres et Paris-Roubaix pour vous ?
Oui, l'intérêt sera juste différent. Les stratégies vont obligatoirement évoluer. Comme je disais, beaucoup d'équipes sont diminuées. Ce sera peut-être plus manoeuvrable que quand on a 2 ou 3 équipes avec un leader incontestable, comme l'étaient l'an passé Pogacar, Mathieu van der Poel et Wout Van Aert. Le Ronde et Roubaix, ce ne sont jamais des courses monotones. Il y aura forcément des choses qui vont nous faire, non pas oublier, mais au moins passer le cap de cette déception de ce duel qui n'aura pas lieu. Et peut-être tant mieux pour nous !
Pour conclure, votre regard sur les démonstrations de Tadej Pogacar, Jonas Vingegaard ou Mathieu van der Poel, avec des numéros en solitaire de plus en plus lointains et impressionnants ? On a le sentiment que ce genre de scénario se banalisent et que le peloton semble résigné face à une telle domination...
Je crois que ça a commencé sur les Strade Bianche avec Pogacar. Là, on était sur une autre dimension... On avait quand même deux bons coureurs présents là-bas, avec Maxim Van Gils et Lennert Van Eetvelt. Ils ont sûrement perdu respectivement la 2e place et une place dans le top-5 en faisant trop d'efforts parce qu'ils y ont toujours cru. Je trouve ça bien d'avoir eu ce courage et de ne pas baisser les bras, parce qu'on avait le sentiment derrière que le groupe de poursuivants était plus ou moins résigné. On a à nouveau pu constater ça en Catalogne, à Tirreno, sur O Gran Camino, où en effet on était plus dans une logique de jouer le podium et pas la victoire. J'espère que les écarts vont s'estomper, même si on a affaire à de vrais talents et des exceptions. Mais pour l'intérêt du vélo, il faut que ça se nivelle un peu, parce que là, c'est difficile de jouer...